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Adapter ou sous-titrer : c'est interpréter

By Cyril Bel-Ange | Published  07/15/2015 | French | Recommendation:RateSecARateSecARateSecARateSecARateSecA
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Quicklink: http://connect.proz.com/doc/4163
Adapter, sous-titrer, relire : il s’agit toujours d’interpréter

1. Sous-titrer c’est interpréter

Le sous-titrage n’est pas à proprement parler de la traduction. Et non, chers amis, et cela explique bien des choses. Par exemple, pourquoi vous êtes si nombreux à sortir un peu agacés de la salle de cinéma lorsque vous allez voir un film en V.O.S.T. (Version Originale Sous-Titrée). Je parle en connaissance de cause car j’ai d’abord exercé le métier de traducteur audiovisuel à Genève.

Prenons un exemple parlant et frappant !

Vous vous rappelez certainement de Pulp Fiction, de son casting époustouflant la sublime Uma Thurman en tête sans oublier la B.O. du film et les dialogues qui ont depuis changé la donne des films de gangsters grâce à leurs répliques cultes. Dans les dialogues suscités, il y avait une bonne sévère dose d’humour, Quentin Tarantino – QT pour les initiés – allant jusqu’à faire raconter des blagues Carambar à ses tueurs !

Mais assez tourné autour du pot! Fisrt things first, commençons par la blague en anglais :
Daddy Tomato, Mummy Tomato and Baby Tomato are crossing a very busy street in NY when suddenly Baby Tomato gets crushed over and Daddy Tomato starts screaming Catch up!
Vous pouvez rire si vous avez saisi l’astuce et je sais que vous maîtrisez l’anglais, encore mieux que moi pour certains d’entre vous. Riez ou pas toujours est-il que cette blague inoffensive a donc fait l’objet d’une adaptation dans la version française sous-titrée :
Papa Citron, Maman Citron, Bébé Citron traversent une rue de Paris (sic) où la circulation est complètement folle bébé citron se fait écraser par une voiture et papa Citron lui crie « presse-toi, Citron ! »


Quel rapport entre les tomates et les citrons, hmm ce sont des fruits tous les deux et donc leur consommation quotidienne est chaudement recommandée par le Ministère de la Santé ?
Certes mais en ce qui nous concerne, les tomates servent à faire du ketchup alors que les citrons sont pressés pour en tirer du jus. Ainsi, le traducteur a choisi délibérément de respecter l’esprit drolatique de la blague plutôt que la lettre. Dans ce cas, on parlera d’adaptation et non de traduction. Mission accomplie ? Mission accomplie !
Le traducteur audiovisuel a interprété correctement le message humoristique en l’adaptant pour le public francophone. Nota Bene, parfois il n’a même pas l’opportunité d’offrir une similarité visuelle comme celle qui associe immédiatement tomates et citrons.


Je pourrais également citer le film Wayne’s World dans son intégralité car les distributeurs ont fait appel à LES NULS pour adapter et même interpréter l’esprit des blagues nulles calamiteuses et au final hilarantes de ce film de neuneus qui se veut un hommage au hard rock. Plutôt que d’embaucher la crème des traducteurs audiovisuels, le distributeur a préféré engager des auteurs connus pour avoir été fortement influencés par le fameux Saturday Night Live, (SNL) émission en direct mettant en scène de nombreux humoristes qui font aujourd’hui les beaux jours de la comédie US. Citons parmi eux Steve Martin ou plus récemment Tina Fey.

2. Traduire en simultané, c’est encore et toujours interpréter

Pourquoi ?

Il y aura toujours un mot, un verbe, une expression qui ne seront pas au rendez-vous lors d’une prestation d’interprétation simultanée. J’aurai beau me préparer pendant des heures, disposer pour une fois de tous les documents de référence nécessaire pour offrir une performance parfaite, être au mieux de ma forme et avoir à ma disposition un matériel audiovisuel de pointe, en parfait état de marche. Il y aura forcément un bug, un appel d’air, un hoquet qui pourrait compromettre la fluidité de mon discours. Aussi, je m’efforce toujours de laisser une place à la souplesse au coup de rein mental, difficile image mais allons-y ! qui me sortira du pétrin le moment venu.

Exemple ?

Donnons un exemple pris lors d’une mission récente sur Monaco. Il s’agissait d’une étude de marché incluant un panel de consommateurs ou focus group rassemblé pour les besoins de la cause, à savoir le lancement d’un nouveau produit permettant de consommer du tabac… autrement. Je ne saurai en dire plus sous peine de poursuites.

Les consommateurs, survoltés par l’heure tardive, la consommation de sodas ou plus certainement rendus nerveux par l’absence de cigarettes, cigarettes électroniques ou cigarillos et ce, pendant les quelques 3h de réunion se coupaient la parole à qui mieux-mieux, l’un d’eux ne cessant de pester contre l’un des pires inconvénients de la cigarette, à savoir les doigts jaunes. Les doigts jaunes. En France, que vous soyez fumeur ou pas, vous voyez très bien de quoi il s’agit mais si vous vous amusez à balancer un « yellow fingers » vous risquez de perdre votre auditoire. Qui est souvent votre client...
Le métier consiste aussi à sentir, non pas le tabac, mais les écueils d’une traduction par trop littérale. De plus, une fois l’expression erronée ou simplement peu usitée suffirait à provoquer un hiatus de compréhension. En ce cas, il faut de toute urgence recourir à une périphrase pour contourner le problème, en gros, on fait le tour au lieu de foncer droit dans le mur. Tête baissée.

Je proposais en toute hâte « stained fingers »guettant une possible désapprobation, une lueur furtive d’incompréhension ou même un mouvement d’humeur ! Mettant à profit une pause avec les responsables du projet, je posais la question de savoir s’il existait une expression équivalente à nos fameux « doigts jaunes » français. Que nenni ! En fait, et une fois n’est pas coutume, l’anglais est beaucoup plus neutre, bien moins imagé. On dit tout simplement « tobacco-stained fingers » sans la moindre référence à la couleur laissée par le tabac, la nicotine ou autres ingrédients nocifs susceptibles de laisser leur empreinte sur les doigts des fumeurs.


Encore une fois, il s’agit bien d’adaptation vers la langue cible bien sûr mais surtout vers la culture des personnes pour lesquelles on interprète. Peu importe si vous vous servez d’une expression correcte linguistiquement parlant, si elle n’éveille aucun écho pour l’auditeur, c’est perdu.


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