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French to Spanish: Les musées nationaux ont-ils encore pour vocation de recueillir et de conserver des collections ethnographiques extra-européennes contemporaines ? General field: Art/Literary
Source text - French Les musées nationaux ont-ils encore pour vocation de recueillir et de conserver des collections ethnographiques extra-européennes contemporaines ?
Christian Coiffier
Maître de conférence au Muséum national d’Histoire naturelle (musée de l’Homme), chargé de mission au musée du quai Branly
18 905 signes
Résumé français
Le transfert des collections ethnographiques parisiennes des musées de l’Homme et du Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie vers le musée du quai Branly marque un tournant important dans l’histoire des collectes des « objets ethnographiques ». La plus grande partie des crédits pour l’acquisition de pièces nouvelles est maintenant affectée à des achats onéreux sur le marché de l’art, alors que les crédits octroyés aux chercheurs pour l’achat d’objets sur le terrain sont devenus quasi-inexistants. Qu’elles peuvent être les conséquences à long terme de cette politique ?
[email protected] [email protected]
Musée de l'Homme, 17 Place du Trocadéro, Paris, 75 116
Musée du quai Branly, 222 rue de l'Université, 75343, Paris cedex 07
Depuis une vingtaine d'années, l'anthropologie française est attaquée de toutes parts. Certains lui reprochent ses liens réels (et parfois supposés) avec l'ancienne administration coloniale, d'autres lui dénient le droit de s'arroger en observateur des autres sociétés humaines à la manière des sciences naturelles qui étudient les plantes et les insectes. Bien d'autres critiques lui sont adressées par ses détracteurs. Parallèlement à tous ces discours, s'est développée l'idée que les ethnologues avaient spoliés les "peuples indigènes" de leurs plus belles œuvres d'art. Face à ses accusations, la profession n'a pas su se défendre, empêtrée qu'elle était dans ses querelles intestines entre divers mouvements de pensée, voir simplement dans des jalousies professionnelles pour l'accès aux postes et aux crédits de recherche. La profession n'a pas su, ou n'a pas voulu, redéfinir son rôle dans la société, si bien que n'importe quel journaliste ou aventurier qui a un peu roulé sa bosse s'affuble maintenant du titre d'anthropologue. Une partie de la profession s'est enfermée dans sa tour d'ivoire, considérant qu'elle était au-dessus de toutes les critiques. De nombreux ethnologues qui n'avaient montré, depuis les premières théories de Claude Lévi-Strauss, aucun intérêt pour les cultures matérielles se sont mis soudainement à gloser sur des sujets qu'ils ne connaissaient pas, et ont monopolisé le discours. Les groupements scientifiques de sciences humaines qui s'intéressaient réellement à la culture matérielle ont vu leurs crédits diminuer d'année en année puis, suite à de nombreux avatars, le musée de l'Homme a fini par être désigné comme la victime expiatoire de cette déchéance de l'anthropologie française.
Depuis plus de soixante-dix ans, les collections ethnographiques rapportées de leurs missions sur le terrain par les chercheurs du Cnrs, de l'Ehess, de l'Orstom (actuel Ird) ou du Muséum national d’Histoire naturelle furent enregistrées au musée de l'Homme ou au musée des Arts d'Afrique et d'Océanie pour y être étudiées. Ces collections représentent actuellement, toutes aires géographiques confondues, plusieurs dizaines de milliers de pièces. Celles-ci sont majoritairement des objets illustrant la vie quotidienne des peuples étudiés par les anthropologues français de la seconde moitié du vingtième siècle. Elles furent collectées, pour la plupart, en tenant compte des recommandations contenues dans le fameux fascicule Instructions sommaires pour les collecteurs d'objets ethnographiques, réalisé en 1931 pour les membres de la mission Dakar Djibouti. Ces pièces sont ainsi relativement bien documentées, c'est-à-dire que l'on connaît leur lieu d'origine, leur nom vernaculaire, les matériaux qui la constituent, ses divers usages… Les chercheurs les ont acquises avec les maigres crédits que leur allouait chaque année le laboratoire d'ethnologie du musée de l'Homme (sur les recettes du musée), et le plus souvent avec leurs deniers personnels.
Il faut reconnaître qu'il n'y a jamais eu, en France depuis le début du vingtième siècle, une réelle politique de collecte des objets ethnographiques. Les achats se sont faits le plus souvent au gré des pérégrinations des chercheurs sur leurs terrains, et selon les choix personnels de chacun d'entre eux. Le reste des fonds récents du musée de l'Homme provenait de dons divers, dont l'acceptation était laissée au bon vouloir des chargés de collection. Ces objets sont pour la plupart bien moins documentés, et parfois aucunement. On peut regretter que le musée de l'Homme soit parfois devenu le vide-grenier des objets exotiques de la capitale…
Le transfert des collections ethnographiques parisiennes des musées de l'Homme et du Musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie vers le nouveau musée du quai Branly marque un tournant décisif dans l'histoire des collectes d'objets ethnographiques, car une réelle politique d'acquisition y a été mise en place ; et l'on ne peut que s'en réjouir, même si on n'est pas d'accord avec celle-ci. Cependant, les acteurs de cette nouvelle politique semblent avoir oublié que les sociétés humaines continuent d'innover et de créer, avec les nouveaux moyens dont elles disposent actuellement.
Dans un ouvrage récent, intitulé, Tu fais peur, tu émerveilles, musée du quai Branly, acquisitions 1998/2005, Germain Viatte, ancien directeur des collections, fait le bilan de sept années d'acquisition. Le passé professionnel de celui-ci au centre Georges Pompidou semble oblitérer à ses yeux la réalité de la production artistique et artisanale contemporaine des jeunes États dont les œuvres anciennes sont représentées au quai Branly. Germain Viatte (2006 : 13) écrit ainsi : « La place extrêmement réduite réservée dans cet ensemble d'acquisition à ce qu'il est convenu d'appeler "l'art contemporain" a déjà été contesté. La question était posée dès l'origine de nos travaux, et elle a donné lieu à de nombreuses réflexions ; elle sera sans doute reprise dans l'avenir ».
Je crois, en effet, que le moment est venu de reprendre cette discussion. Mais ce qui est gênant dans le propos de Germain Viatte, c'est la formule "art contemporain", qui implique une perception ethnocentrique de la culture des Autres. Cette perception ethnocentrique est d'ailleurs revendiquée lorsqu'il écrit dans le même ouvrage, à propos du musée du quai Branly : « Un tel musée est évidemment le produit de notre conception nationale de la culture, mais il ne peut trouver véritablement son sens que dans la perspective internationale qui sera désormais de plus en plus la nôtre »(Viatte, 2006 : 13). Ainsi la France et ses bataillons de conservateurs du ministère de la Culture, par l'intermédiaire du musée du quai Branly, doit pouvoir dicter au monde entier ce qui est beau et ce qui ne l'est pas, ce qui est de l'art et ce qui ne l'est pas. C'est ce que confirme Benoît de L'Estoile (2007: 17) dans son ouvrage Le goût des Autres : « Le passage du musée de l'Homme au musée du quai Branly représente une forme particulièrement aiguë d'un processus beaucoup plus général. La plupart des musées des Autres se sont constitués dans un contexte de domination de l'Europe sur les autres continents ; ils incarnent donc un rapport aux Autres qui s'est développé dans une situation de forte asymétrie. » Benoît de L'Estoile pose ainsi une question cruciale : "Quel sens ont donc de tels musées dans un monde post-colonial ? "
Ainsi, si l'Autre se coule dans le moule conçu par les Occidentaux, il peut jouer dans la cour des grands sur le marché de l'art, et les musées pourront acquérir ses œuvres. Ce qui est confirmé par les commandes faites à des artistes aborigènes australiens par le Mqb. Germain Viatte écrit à ce sujet : « La fécondité artistique des Aborigènes d'Australie est apparue particulièrement exemplaire » (Viatte, 2007 : 14). Il précise au sujet de la politique de commande artistique que celle-ci : « ne saurait se limiter à des natifs ou héritiers des pays concernés, au risque de perpétuer une sorte d'indigénisme muséographique », pour conclure « le processus d'acquisition, et ce n'est pas la moindre de ses difficultés, doit s'inscrire dans la continuité de l'histoire patrimoniale, tout en témoignant de la sensibilité contemporaine, et il se réalise en profitant des possibilités offertes à un instant donné par le marché. » (op. cit. : 14). Ainsi, les choses sont claires, les oeuvres contemporaines réalisées par la potière nigérienne ou le vannier algérien n'ont pas leur place au musée du quai Branly s'ils n'ont pas eu la chance d'être remarquées et promues par une galerie d'art.
On comprend d'autant mieux ainsi qu'une collection d'objets de la vie quotidienne des Mundugumor, habitant les rives du fleuve Yuat dans la vallée du Sépik en Papouasie Nouvelle-Guinée, ait été refusée par la commission d'acquisition du Mqb voici deux ans. Ces objets, recueillis et documentés par un anthropologue, s'inscrivaient pourtant dans la « continuité de l'histoire patrimoniale » d'un village dont la collection du Mqb possède déjà plusieurs chef-d'oeuvres.
Nous sommes ici au cœur d'un problème crucial pour l'avenir de la connaissance des cultures des Autres par l'étude de leur production matérielle. Les anthropologues travaillant sur des terrains extra-européens doivent-ils continuer d'en rapporter des objets réalisés par les communautés qu'ils étudient ? Certains préconisent le travail sur photographie. Mais l'image virtuelle d'un objet ne peut pas remplacer sa matérialité physique pour un chercheur qui ne s'intéresse pas uniquement à la forme. Certains types d'analyse demandant une technologie lourde ne peuvent être réalisés sur place, car les moyens matériels et financiers n'existent actuellement que dans les pays riches. L'achat de certaines pièces par des spécialistes qui produisent des discours sur ces objets valorise cette production aux yeux de leurs créateurs, et les encourage à persévérer dans leur esprit d'innovation. Respecter l'Autre ce n'est pas simplement s'intéresser à son passé, mais également à son présent et à son devenir.
La collection mundugumor a finalement été présentée à la commission d'acquisition du Muséum national d'Histoire naturelle, qui l'a acceptée parce que le musée du quai Branly, destination pourtant évidente de cette collection, s'était refusé à l'accueillir. Ainsi, la majorité des membres de la commission d'acquisition du Muséum (spécialistes majoritairement des sciences de la nature) ont compris l'intérêt de conserver cette collection ; mais qu'en sera-t-il des diverses collections de recherche rapportées par de futurs chercheurs, si aucune institution n'accepte dans l'avenir de les intégrer au patrimoine national ? Les musées d'ethnographie des pays riches n'ont pas à culpabiliser d'avoir su conserver de nombreux objets, qui, pour la plupart, auraient disparu sans laisser de traces dans leur pays d'origine, à cause des transformations socio-économiques des sociétés qui les avaient créées. Le droit des cultures de s'étudier les unes les autres est fondamental pour l'évolution de l'ensemble des sociétés de la planète. La mode actuelle, " politiquement correcte", s'oriente vers une reconnaissance du seul discours des membres d'une culture donnée. Cette pratique est dangereuse, et ne peut mener qu'à des dérives totalitaires.
Il est vrai que tout objet conservé représente un coût certain pour le budget de l'État (espaces de stockage, restauration, préservation, traitement documentaire et informatique, entretien …). Les conservateurs ont fait prendre conscience aux chercheurs de cette dure réalité, qui ne les concernait guère auparavant. Il est évident que l'on ne peut pas collecter n'importe quel objet pour le seul plaisir de le conserver. Une collecte ethnographique se doit d'être, autant que faire se peut, planifiée en fonction de critères scientifiques approuvés collectivement. Il serait ainsi souhaitable que les diverses institutions qui forment des chercheurs de terrain en anthropologie sociale, ou en histoire de l'art extra-européen, rédigent une charte qui structurerait la collecte des objets ethnographiques, et leur intégration dans les collections nationales.
Oui, cela peut être une noble tâche des pays riches de conserver dans leurs musées des traces du passé de la culture matérielle de sociétés qui n'ont pas actuellement les moyens ou la volonté d'assurer cette conservation. Mais pourquoi ne pas vouloir acquérir maintenant, et ne conserver que des pièces anciennes ? Les créateurs contemporains qui n'ont pas été labellisés par les galeries ou les spécialistes occidentaux n'auraient-ils donc pas le droit de voir le fruit de leur travail valorisé, ou, du moins, conservé. Évidemment, les achats effectués à prix d'or dans les salles des ventes ou chez les marchands sont des pièces anciennes, et leur valeur est assurée sur le marché international de l'Art.
La présence de marchands dans la commission d'acquisition du Mqb est néfaste à l'équité de cette dernière. Les marchands n'ont pas les mêmes objectifs que les conservateurs de musée, et encore moins que les anthropologues. Ils doivent rester à leur place, dans leurs galeries et leurs magasins. Car ce sont eux (avec leurs alliés, certains scientifiques) qui incitent les commissions d'acquisition à l'achat de pièces de plus en plus chères, pour tirer le marché à la hausse.
La politique d'acquisition du Musée du quai Branly qui a consisté à compléter certains "manques" peut paraître louable, mais elle a coûté extrêmement cher, parce que ces pièces étaient anciennes, ou avaient un certain pedigree, c'est-à-dire quelles avaient été possédées par certaines personnalités des Lettres ou des Arts. Pourquoi continuer à vouloir augmenter les collections historiques, dans la mesure où il est de plus en plus aisé de demander des prêts au musée les mieux dotés dans divers domaines particuliers. La volonté de reconnaissance de l'Autre devrait passer par l'aide à l'acquisition pour les musées des pays émergents des dernières pièces historiques qui existent encore sur le marché international. Valoriser l'Autre, en l'aidant à se valoriser lui-même, devrait être la nouvelle priorité des musées d'ethnographie. Pourquoi ne pas imaginer un système de parrainage, ou de jumelage, des musées des pays riches avec ceux des pays émergents ? Ce système, même s'il comporte des risques de dérapage, devrait pouvoir stimuler des échanges qui bénéficieraient aux deux parties. Il serait souhaitable que le musée du quai Branly s'intéresse maintenant aux objets contemporains, et réoriente sa politique d'acquisition, suivant en ce sens la réflexion de Germain Viatte (op. cit. : 14), lorsqu'il écrit : « ce parcours ne sera pas éternel et nos successeurs auront à cœur de l'infléchir, ouvrant alors de nouvelles perspectives ». En effet, dans le monde entier, des créateurs anonymes continuent de fabriquer, avec des matériaux anciens ou nouveaux, des objets du quotidien, aux formes anciennes ou adaptées à de nouvelles fonctions. Certains de ces objets constituent de véritables œuvres d'art. Il appartient aux musées de conserver la trace de ces changements techniques.
Prenons, par exemple, le génie inventif et artistique des femmes papous qui, durant la dernière décade, ont fait évoluer d'une façon extraordinaire l'art du filet de portage, appelé localement "billum". Elles ont modifié les techniques de fabrication, les matériaux et les motifs de ces objets de la vie quotidienne locale. Ce mouvement rénovateur s'est fait des villes vers les campagnes, et il s'agit maintenant d'une véritable compétition nationale pour réaliser les plus intéressants motifs. De nombreux collectionneurs étrangers ont commencé des collectes systématiques. Pourquoi les musées français devraient-ils attendre une vingtaine d'années pour racheter à prix d'or certaines de ces collections, alors qu'il serait aisé pour un spécialiste de collecter actuellement de nombreuses pièces au prix du marché actuel, tout en les documentant correctement ?
Le musée de l'Homme est en profonde restructuration. Nous pensons, comme le suggère le rapport Mohen (2004), qu'il est important qu'y subsiste un enseignement de l'anthropologie sociale adapté à la recherche de la relation entre l'Homme et son environnement, et, par voie de conséquence, à la culture matérielle des peuples. Il demeure primordial pour les besoins de recherches approfondies de rapporter du terrain des objets à des fins d'analyses. Il faut donc prévoir, au sein de la nouvelle institution qui devrait voir le jour, des espaces adaptés pour la réception, la conservation et la restauration de ces objets. Une fois étudiés par les chercheurs, certains de ces objets pourraient être sélectionnés par une commission de spécialistes, et être ultérieurement intégrés aux collections nationales, au musée du quai Branly, ou dans des musées de province spécialisés. Dans certains cas, il serait souhaitable que ces objets soient rendus à leur pays d'origine pour y être conservés dans un musée local.
Pourquoi ne pas réorganiser les collections ethnographiques des musées de province en fonction de pôles d'excellences, concernant, soit une aire culturelle, soit une technique particulière, comme la vannerie, la poterie ou les textiles, en tenant compte évidemment de l'histoire des collections existantes. Les nouveaux moyens informatiques offrent maintenant de nombreuses possibilités. Cette réorganisation aurait plusieurs avantages, comme celui de stocker pour un coût moindre ces objets dans des villes moyennes où la pression immobilière est moins forte, et de stimuler le développement d'activités culturelles nouvelles avec création d'emplois nouveaux. Ce redéploiement des collections et l'accueil de collections nouvelles pourrait d'ailleurs se concevoir ultérieurement à l'échelle européenne. Ces pôles spécialisés pourraient travailler en collaboration avec des universités, et, pourquoi pas, avec des industries locales.
Le temps de la compétition entre musées pour la possession des plus "belles" collections d'objets extra-européens devrait être révolu, à une époque où les déplacements interurbains sont beaucoup plus aisés. Des musées d'ethnographie spécialisés sur des thèmes particuliers devraient valoriser leurs propres richesses, avant de se lancer dans des achats coûteux, et parfois hasardeux, de nouvelles pièces. Les musées d'ethnographie retrouveraient ainsi un rôle pédagogique et économique qu'ils ont perdu depuis longtemps, et qu'ils n'ont parfois jamais eu.
Bibliographie
De L’Estoile, Benoît, 2007, Le goût des Autres. De l'Exposition coloniale aux Arts premiers, Paris, Flammarion.
Mohen, Jean-Pierre (dir.), 2004, Le nouveau Musée de l'Homme, Paris, Odile Jacob-Mnhn.
Viatte, Germain, 2006, Tu fais peur, tu émerveilles, musée du quai Branly, acquisitions 1998/2005, Paris, Réunion des musées nationaux.
PUBLIE dans
Dossier « Ethnologie et musée : un débat en cours », Ethnologie française « L’Europe et ses ethnologues », octobre 2008, 4, p. 627-700, édité par B. Dupaigne et Jacques Gutwirth.
Translation - Spanish ¿La vocación de los museos nacionales franceses sigue siendo recoger y conservar colecciones etnográficas contemporáneas de fuera de Europa?
Christian Coiffier
Profesor investigador titular en el Museo del Hombre (perteneciente al Museo Nacional de Historia Natural de París), jefe de proyecto en el Museo del Quai Branly.
Resumen
El traslado de las colecciones etnográficas parisinas del Museo del Hombre y el Museo Nacional de Artes de África y Oceanía al Museo del Quai Branly, constituye un importante giro en la historia de la recolección de “objetos etnográficos”. En la actualidad, la mayoría de los créditos para la adquisición de nuevas piezas se destinan a la compra de onerosas piezas en el mercado del arte, mientras que los créditos asignados a los investigadores para la compra de objetos in situ son prácticamente inexistentes. ¿Qué consecuencias a largo plazo puede originar esta política?
[email protected] [email protected]
Musée de l'Homme, 17 Place du Trocadéro, Paris, 75 116
Musée du quai Branly, 222 rue de l'Université, 75343, Paris cedex 07
La antropología francesa está recibiendo ataques por todos los flancos desde hace dos décadas. Algunos le recriminan sus vínculos reales (y a veces hipotéticos) con la antigua Administración colonial; otros le niegan el derecho a arrogarse el papel de observador de otras sociedades humanas a la manera de las ciencias naturales, que estudian las plantas y los insectos. Y no son las únicas críticas que le lanzan sus detractores. En paralelo a todos estos discursos, se ha ido forjando la idea de que los etnólogos expoliaron a los “pueblos indígenas” sus obras de arte más preciosas. Ante estas acusaciones, la profesión no ha sabido defenderse, inmersa como estaba en las discordias intestinas entre sus distintas corrientes de pensamiento, o simplemente en los celos profesionales por la obtención de un determinado cargo o de créditos para la investigación. La profesión no ha sabido, o no ha querido, redefinir su función en la sociedad; mientras que ahora, cualquier periodista o aventurero que haya visto algo de mundo se cuelga el título de antropólogo. Una parte de la profesión se ha recluido en su torre de marfil, creyéndose por encima de toda crítica. Numerosos etnólogos que desde las primeras teorías de Claude Lévi-Strauss no habían mostrado el más mínimo interés por las culturas materiales, de repente se han dedicado a glosar sobre temas que desconocían, monopolizando el discurso. Los equipos de científicos en ciencias humanas que realmente se interesaban por la cultura material han visto menguar sus créditos año tras año. Luego, tras muchos avatares, el Museo del Hombre ha acabado convirtiéndose en el chivo expiatorio de esta degradación de la antropología francesa.
Desde hace más de setenta años, en el Museo del Hombre o en el Museo Nacional de Artes de Asia y Oceanía se han registrado para su estudio colecciones etnográficas procedentes de los trabajos de campo de investigadores del Centre national de la recherche scientifique, el École des hautes études en sciences sociales, el ORSTOM (actual Institut de recherche pour le développement) o el Museo Nacional de Historia Natural. Estas colecciones representan en la actualidad, englobando todas las zonas geográficas, varias decenas de miles de piezas. Se tratan, en su mayoría, de objetos que ilustran la vida cotidiana de pueblos estudiados por los antropólogos franceses durante la segunda mitad del siglo XX. La mayor parte se recogió ateniéndose a las recomendaciones contenidas en el famoso fascículo Instructions sommaires pour les collecteurs d'objets ethnographiques (Instrucciones someras para la recolección de objetos etnográficos), escrito en 1931 por los miembros de la expedición Dakar-Yibuti. Así pues, estas piezas están relativamente bien documentadas, es decir, conocemos su lugar de origen, su nombre en la lengua vernácula, los materiales que la componen, sus distintos usos, etc. Los investigadores las adquirieron con los escasos créditos que anualmente les asignaba el laboratorio de etnología del Museo del Hombre (con cargo a los ingresos del museo), y la mayoría de las veces, con dinero de su propio bolsillo.
A decir verdad, desde principios del siglo XX, en Francia nunca ha habido una auténtica política de recolección de objetos etnográficos. Las adquisiciones casi siempre se realizaban a merced de las peregrinaciones de los investigadores in situ y en función del criterio personal de cada uno. El resto de los fondos más recientes del Museo del Hombre proviene de donaciones diversas, cuya aceptación se ha dejado al arbitrio de los conservadores de las colecciones. La mayoría de estos objetos están mucho peor documentados, y a veces no lo están en absoluto. Es lamentable que el Museo del Hombre sirva a menudo de mercadillo adonde van a parar los objetos exóticos de la capital...
El traslado de colecciones etnográficas parisinas del Museo del Hombre y el Museo Nacional de Artes de África y Oceanía al Museo del Quai Branly, marca un giro decisivo en la historia de la recolección de objetos etnográficos, dado que de esta forma se ha instaurado una auténtica política de adquisición de la que cabe felicitarse, aun si se discrepa de ella. No obstante, los artífices de esta novedosa política parecen haber olvidado que las sociedades humanas siguen innovando y creando, recurriendo a los nuevos medios de los que disponen hoy día.
En su obra de reciente publicación titulada Tu fais peur, tu émerveilles, musée du quai Branly, acquisitions 1998/2005 (Tú asustas, tú asombras, Museo del Quai Branly, adquisiciones de 1998-2005) , Germain Viatte, antiguo responsable de colecciones, hace un balance de las adquisiciones realizadas a lo largo de siete años. Su andadura profesional en el Centro Georges Pompidou parece haberle conferido una visión sesgada de la realidad de la producción artística y artesanal contemporánea de los jóvenes Estados, cuyas obras antiguas se exhiben en el Museo del Quai Branly. Germain Viatte (2006, 13) dice así: “Ya se ha cuestionado la ínfima importancia concedida en el conjunto de las adquisiciones a lo que convenimos en llamar "arte contemporáneo". Este asunto se planteó desde el inicio de nuestros trabajos y generó numerosas reflexiones; sin duda, se retomará en el futuro”.
En mi opinión, efectivamente ha llegado la hora de retomar esta discusión. Sin embargo, lo que resulta molesto en las palabras de Germain Viatte es el término “arte contemporáneo”, que implica una percepción etnocéntrica de la cultura de los Otros; percepción reivindicada por otra parte en la misma obra cuando comenta en relación con el Museo del Quai Branly: “Un museo de tales características es sin duda el producto de nuestra concepción nacional de la cultura; si bien, dicho museo solo puede tener sentido en el marco de una perspectiva internacional que en el futuro será cada vez más la nuestra” (Viatte, 2006, 13). De modo que Francia y su ejército de conservadores del Ministerio de Cultura, por mediación del Museo del Quai Branly, tiene potestad para dictar al mundo entero lo que es bello y lo que no lo es, lo que es arte y lo que no; algo que confirma Benoît de L'Estoile (2007, 17) en su obra Le goût des Autres (El gusto de los Otros): “El traslado del Museo del Hombre al Museo del Quai Branly es un caso particularmente significativo dentro un proceso mucho más amplio. La mayoría de los museos de los Otros surgieron en un contexto de dominación europea sobre el resto de continentes; por tanto, encarnan una relación con los Otros fraguada en una situación de marcada asimetría”. Benoît de L'Estoile plantea así pues una pregunta crucial: “¿Qué sentido tienen entonces tales museos en un mundo poscolonial?”.
Por consiguiente, si el Otro se ajusta al molde concebido por los Occidentales, puede jugar en el mercado del arte junto a los grandes y los museos podrán adquirir sus obras. Así lo corroboran los encargos realizados por el Museo del Quai Branly a artistas aborígenes australianos. Germain Viatte escribió al respecto: “La profusión artística de los aborígenes de Australia ha resultado ser particularmente ejemplar” (Viatte, 2007, 14). En relación con la política de encargo a artistas, precisa que la misma “no debería limitarse a nativos u originarios de los países en cuestión, pues se corre el riesgo de perpetuar una especie de indigenismo museográfico [...] —y concluye añadiendo que— [...] el proceso de adquisición ha de inscribirse, y no es ese el menor de sus problemas, en la continuidad de una historia patrimonial, al tiempo que da fe de una sensibilidad contemporánea, además de llevarse a cabo aprovechando las posibilidades que en un momento dado ofrece el mercado” (op.cit., 14). Por tanto, las cartas están boca arriba: las obras contemporáneas de una alfarera nigeriana o un cestero argelino, a menos que hayan tenido la suerte de haber sido advertidas y promocionadas por una galería de arte, no tienen cabida en el Museo del Quai Branly.
Así se entiende que hace dos años, la comisión de adquisiciones del Museo del Quai Branly rechazara una colección de objetos de la vida cotidiana de los mundugumor, los pobladores de las orillas del río Yuat, en el valle del Sepik, en Papúa Nueva Guinea. Estos objetos, recogidos y documentados por un antropólogo, se inscribían sin embargo en la “continuidad de la historia patrimonial” de un pueblo autor de varias de las obras maestras que integran la colección del Museo del Quai Branly.
Nos encontramos en el meollo de un problema crucial para el futuro del conocimiento de la cultura de los Otros mediante el estudio de su producción material: ¿los antropólogos que trabajan in situ fuera de Europa han de seguir trayendo obras realizadas por las comunidades que están estudiando? Algunos preconizan el trabajo basado en la fotografía; no obstante, para un investigador, al que no solo le interesa la forma, la imagen virtual de un objeto no puede remplazar su presencia material. Ciertos tipos de análisis que requieren una tecnología compleja no se puede realizar in situ, pues solo los países ricos disponen en la actualidad de los medios materiales y económicos necesarios. La compra de determinadas piezas por parte de especialistas que luego realizan disertaciones sobre dichos objetos, supone una valorización de los mismos para sus creadores y les alienta a perseverar en su espíritu de innovación. Respetar al Otro no es simplemente interesarse por su pasado, sino también por su presente y su futuro.
La colección mundugumor se presentó finalmente ante la comisión de adquisiciones del Museo Nacional de Historia Natural, que la aceptó habida cuenta de que el Museo del Quai Branly —por otra parte el destinatario lógico de dicha colección— se había negado a acogerla. Así pues, la mayor parte de los miembros de la comisión de adquisiciones del museo (en su mayoría especialistas en ciencias de la naturaleza) comprendió el interés de conservar esta colección; pero, ¿qué será de las distintas colecciones traídas por futuros investigadores para su estudio si en los años venideros ninguna institución consiente en integrarlas en su patrimonio nacional? Los museos etnográficos de los países ricos no tienen por qué sentirse culpables de haber sabido conservar numerosos objetos que, en su mayoría, habrían desaparecido sin dejar huella en sus países de origen debido a las transformaciones socioeconómicas experimentadas por las sociedades que los crearon. El derecho de las culturas a estudiarse mutuamente es fundamental para la evolución del conjunto de las sociedades del planeta. La moda actual, “políticamente correcta”, se orienta hacia el reconocimiento del discurso único de los miembros de una determinada cultura. Esta práctica resulta peligrosa, y solo puede conducir a derivas totalitarias.
Es evidente que todo objeto conservado representa un cierto coste para el presupuesto del Estado (espacio de almacenamiento, restauración, preservación, tratamiento documental e informático, mantenimiento, etc.). Los conservadores han hecho que los investigadores tomen conciencia de esta dura realidad que otrora apenas les incumbía. Obviamente no podemos recoger cualquier objeto por el mero placer de conservarlo. Una recolección etnográfica ha de planificarse, en la medida de lo posible, en función de criterios científicos aprobados colectivamente. Sería pues conveniente que las diversas instituciones encargadas de formar a los investigadores de campo en antropología social o en historia del arte extraeuropeo, redactaran una carta donde se estructurara la recogida de objetos etnográficos y su integración en las colecciones nacionales.
Sin duda, puede ser una noble tarea para los países ricos conservar en sus museos las huellas del pasado de la cultura material de sociedades que hoy día carecen de los medios o la voluntad para garantizar dicha conservación. ¿Pero por qué negarse a comprar ahora y limitarse a conservar piezas antiguas? ¿No tendrían derecho los creadores contemporáneos que no han sido etiquetados por las galerías o los especialistas occidentales a que se valorara el fruto de su trabajo, o se conservara al menos? Evidentemente, las adquisiciones a precio de oro que se efectúan en las salas de subastas o a los marchantes son piezas antiguas cuyo valor está garantizado en el mercado internacional del arte.
La presencia de marchantes en la comisión de adquisiciones del Museo del Quai Branly resulta nefasta para la equidad de esta última. Los marchantes no persiguen los mismos objetivos que los conservadores de museos, y menos aún que los antropólogos. Han de quedarse en su sitio: en sus galería o en sus tiendas; pues son estos (junto con sus aliados, ciertos científicos) quienes incitan a las comisiones de adquisiciones a comprar piezas cada vez más caras para empujar el mercado al alza.
La política de adquisición del Museo del Quai Branly consistente en suplir ciertas “carencias” puede parecer loable, pero su coste ha sido desorbitado, ya que se trataban de piezas antiguas o de cierto “pedigrí”, o dicho de otro modo, habían pertenecido a determinadas personalidades de las artes o las letras. ¿Qué sentido tiene empeñarse en seguir ampliando las colecciones históricas cuando cada vez es más fácil pedir préstamos a los museos que cuentan en su haber con piezas de múltiples ámbitos especializados? La voluntad de reconocer al Otro debería venir acompañada de ayudas destinadas a los museos de los países emergentes para la adquisición de las últimas piezas históricas que aún existen en el mercado internacional. Valorar al Otro, ayudándole a valorarse a sí mismo, debería ser la nueva prioridad de los museos etnográficos. ¿Por qué no idear un sistema de padrinazgo, o hermanazgo, entre museos de países ricos y países emergentes? Dicho sistema, si bien no exento de ciertos riesgos, debería ser capaz de fomentar intercambios que beneficiarían a ambas partes. Sería aconsejable que el Museo del Quai Branly se interesara por los objetos contemporáneos ahora, y reorientase su política de adquisición en el sentido que apunta Germain Viatte en su reflexión (op.cit. , 14) cuando escribe: “[...] este recorrido no será eterno y nuestros sucesores se afanarán en redirigirlo, abriendo nuevas perspectivas”. En efecto, creadores anónimos de todo el mundo siguen fabricando, con materiales de siempre u otros nuevos, objetos de la vida cotidiana con su forma tradicional o adaptadas a nuevas funciones. Algunos de estos objetos constituyen auténticas obras de arte. Es el deber de los museos conservar la impronta de estos cambios técnicos.
Pongamos por ejemplo, el genio inventivo y artístico de las mujeres papúes que, a lo largo de la última década, han perfeccionado de manera extraordinaria el arte de la elaboración de unas bolsas de red denominadas localmente bilum. Han modificado las técnicas de fabricación, los materiales y los motivos decorativos de estos objetos de la vida cotidiana local. Esta corriente renovadora surgida en las ciudades se ha trasladado a las zonas rurales, y en la actualidad se ha convertido en una auténtica competición nacional por ver quién diseña los motivos más originales. Muchos coleccionistas extranjeros ya han empezado a coleccionarlas sistemáticamente. ¿Por qué deberían esperar los museos franceses una veintena de años para comprar por precios astronómicos algunas de estas colecciones, cuando hoy día un especialista podría adquirir fácilmente numerosas piezas al precio actual de mercado y luego documentarlas correctamente?
El Museo del Hombre está experimentando una profunda reestructuración. Tal y como apunta el informe Mohen (2004), pensamos que es importante que en este se siga impartiendo una antropología social adaptada a la investigación de la interacción del Hombre con su entorno y, por consiguiente, a la cultura material de los pueblos. Es primordial, dada la necesidad de efectuar estudios exhaustivos, traer las piezas recogidas in situ a fin de analizarlas. Por tanto, en la nueva institución que verá la luz, se han de prever espacios adaptados para la recepción, conservación y restauración de dichos objetos. Una vez estudiados por los investigadores, una comisión de especialistas podría seleccionar algunos para su posterior integración en las colecciones nacionales, en el Museo del Quai Branly o en museos provinciales especializados. En determinados casos, sería conveniente devolver estos objetos a sus países de origen para su conservación en un museo local.
Se podría, por ejemplo, reorganizar las colecciones etnográficas de los museos provinciales en torno a los centros de excelencia relacionados ya sea con un área cultural o una técnica en particular, como la cestería, la alfarería o la industria textil, teniendo en cuenta por supuesto la historia de las colecciones ya existentes. Los nuevos medios informáticos ofrecen en la actualidad un sinfín de posibilidades. Esta reorganización presentaría varias ventajas, como la posibilidad de almacenar estos objetos por un coste menor en ciudades medianas donde la presión inmobiliaria es menos acusada, y promover la realización de actividades culturales innovadoras que generen nuevos puestos de trabajo. Además, esta redistribución de las colecciones y la exhibición de otras nuevas se podría concebir posteriormente a escala europea. Estos centros especializados podrían trabajar en colaboración con las universidades y, por qué no, con las industrias locales.
En una época en la que los desplazamientos interurbanos son mucho más cómodos, los días de competición entre museos por hacerse con las colecciones más “bellas” de objetos no europeos ha de llegar a su fin. Los museos etnográficos especializados en campos particulares deberían valorar su propia riqueza antes de lanzarse a realizar adquisiciones onerosas —y a veces arriesgadas— de nuevas piezas. Con ello, los museos etnográficos recuperarían un papel pedagógico y económico que perdieron hace mucho, y que en algunos casos nunca tuvieron.
BIBLIOGRAFÍA
DE L'ESTOILE, Benoît: Le goût des Autres. De l'Exposition coloniale aux Arts premiers. París: Flammarion, 2007.
MOHEN, Jean-Pierre (dir.): Le nouveau Musée de l'Homme. Paris: Odile Jacob-Museo Nacional de Historia Natural, 2004.
VIATTE, Germain: Tu fais peur, tu émerveilles, musée du quai Branly, acquisitions 1998/2005. París: Réunion des musées nationaux, 2006.
PUBLICADO en
Dossier “Ethnologie et musée: un débat en cours”, Ethnologie française “L’Europe et ses ethnologues”, 4, octubre 2008, p. 627-700, editado por B. Dupaigne y Jacques Gutwirth.
English to Spanish: Do museums need social media – or WOM? General field: Art/Literary
Source text - English Do museums need social media – or WOM?
What is a museum in 2010? Is it a multimedia content producer? An interactive educator? A community manager? A critic? One small part of a collaborative, international cultural network? Institutions are striving to become all these things and more, fighting to stay not just relevant but innovative in a world where the internet has become the ultimate global museum.
In the role of content producer, many museums are now digitalising their collections to give their audiences new entry points for discovering what they have to offer. By releasing their image archives to Flickr’s The Commons project, institutions such as The Smithsonian, The Imperial War Museum, the Swedish National Heritage Board and the National Galleries of Scotland promise to “show you hidden treasures in the world's public photography archives, and how your input and knowledge can help make these collections even richer”. The Australian War Memorial is training staff to blog around each of their exhibitions, publishing exhibits and commentary online to encourage conversation; up the coast in Coffs Harbour, the City Library is podcasting its Voice of Time oral history project so that the voices of descendants of the original settlers can be not only preserved, but widely heard.
As interactive educators, they are finding ways to open up to teachers and students alike. The Cooper Hewitt National Design Museum in New York has created an online Educator Resource Center where teachers can access design-focused lesson plans, watch case study videos, and swap ideas and advice in forum threads. In the UK, the National Museums Online Learning Project has strands helping both schools (WebQuests) and learners (Creative Journeys) create, share and comment on online content inspired by the collections of a broad range of participating venues.
As community managers, they are networking their visitors to engage new audiences and maintain loyalty. Brooklyn Museum is a great example, as Chief of Technology Shelly Bernstein runs the museum’s blog, MySpace, Facebook, Flickr, YouTube and Twitter presences almost 24/7, answering questions, updating news and debating with visitors and artists. She also oversees the 1stfans Twitter stream, which commissions exclusive micro-artwork and organises personalised events, resulting in a tribe of Brooklyn Museum advocates who spread positive discussion across the web.
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As critics, they are enhancing visitors’ experience with layers of virtual context and commentary. Brooklyn Museum excels again, with free mobile phone and iPod audio guides for their permanent collections; London’s National Gallery produces monthly podcasts intended to give quirky insight into their famous pieces.
And as global collaborators, museums have been using projects such as The Commons to unite a notoriously proprietorial industry for mutual benefit. As Project Manager Carolyn Rostyn said of the National Museums Online Learning Project, which brings together nine leading UK institutions, “It soon became apparent. […] that there would be greater benefit to users if a series of tools were built that encouraged engagement enabling cross-institution connections and collaborative co-creative opportunities. Importantly, this approach would build a unique network of participants across multiple, often unrelated, collections.”
These case studies are all exciting and effective. But are they simply helping to make the physical institution of the museum obsolete? Is this blurring of the real and virtual, place and time, genre and audience, really playing to the strengths of museums as inherently physical, geographic and historic destinations in their own right? Is there another approach that will encourage conversation around the museums themselves, rather than just their contents?
It is undoubtedly true that museums must incorporate digital and social elements to survive and thrive in a switched-on world. But thanks to social media, we are all curators now. We already have plenty of good multimedia content producers, community managers and collaborative international cultural networks, and they’re free and fresh and always available. When you look at MoOM, The Museum of Online Museums - which features a long list of links to museums, galleries and exhibitions on the web that ranges from the Rijksmuseum and Musée d’Orsay to Mike’s Candy Bar Wrapper Museum and Postage Stamps of Israel - you start to wonder how museums can really stand out for today’s culture seekers. It’s hard to add value, and grab attention, in a space that can already offer in-depth peer-to-peer analysis of anything from the significance of fried chicken to coat hangers through the ages.
In their 2007 paper ‘Web 2.0: How to Stop Thinking and Start Doing’ , which looks at how museums can overcome barriers to change, Mike Ellis from the Science Museum and David Kelly from the University of Bath assert that “Web 2.0 puts users and not the organisation at the centre of the equation. Organisational structures, departmental ways of naming things, the perceived ‘value’ of our assets, in fact, what the organisation has to say about itself - all are being challenged.” This sounds very democratic and inspiring, but in fact underestimates how powerful the place, historical identity, and indeed authority of a museum can be.
[insert image 2. Caption: The Great Exhibition in the Crystal Palace in Hyde Park, London, 1851]
Rather than looking at how museums can mould themselves into brave new forms, maybe we should return to what makes them unique. It seems incredible that museums have acquired an overtone of staid, scholarly traditionalism when they have always had an inherently social and crowdsourced spirit. In the sixteenth century, individual collectors of eclectic global curiosities juxtaposed their treasures with the humanistic zeal of Wikipedia authors, driving new discoveries about the way our world is connected like never before. By the nineteenth century, museums had become fashionable social forums where crowds flocked to see the latest exotica, and shows such as London’s Great Exhibition in 1851 generated the same anticipation and buzz as the opening of Avatar in 2010.
So maybe the question to ask is not what museums are missing, but what they have lost. We no longer turn to them as essential places of wonder, of communal, sensual and emotional experience, but see them as old-fashioned offline aggregators of content that we can access quicker and cheaper elsewhere. The bottom line is that museums are becoming more integrated with social media, but they’re still not very conversational. We’re not talking enough about what they are doing, what they give us, why the act of visiting the institution itself is inspiring and provoking us, and why we think others should visit them too. Let’s not forget that conversations in social media are usually just a digest of the emotive experiences we’re having in the real world, so getting true traction online not only involves creating digital entry points, but creating unique experiences that people will then want to talk about, whatever platforms they use.
Imagine that you walk into a museum exhibition. At the door, a solemn white-coated man ushers you into a side room where anything that connects you to the outside world is taken away to be securely stored – your smartphone, your camera, your iPod, your watch. Even pens and paper are confiscated. You enter the room with nothing but your five senses, forced to confront the objects within unmediated; there are no labels or commentary. Yes, museums are centres for education and enlightenment, and there could be an interactive room at the end of the exhibition where all the context and connections of the objects can be explained and explored. But within that central chamber visitors must simply experience being there, and noticing.
This may seem a completely anti-intuitive approach in an industry which is striving to provide ever more spreadable content in more ways, but the whole point of this theoretical exhibition is that it puts the emphasis on the experience, and leaves the content creation up to the visitor when they emerge. The museum is positioned as a special place, a haven where time can be suspended so that visitors can both escape the constraints of time to allow for a broader view of history, and immerse themselves in the present moment to better appreciate the objects in space. The impact of that experience, so different from our crowded digital lives, is what will drive them to subsequently spread deeply emotional and enthusiastic word of mouth on and offline.
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This is one example of the modern museum as theatre, but all exhibitions are inherently theatrical - wherever time, place, objects and people collide, theatre happens. And this method of using surprise and sensual renewal to reinvigorate the museum-going experience can take limitless forms.
One example is WOM agency 1000heads’ campaign for the Victoria and Albert Museum’s Cold War Modern exhibition in London. This was an exciting chance to combine online social platforms with the powerful social platform of the famous museum. However, the focus always remained on stimulating peer to peer conversation, rather than just broadcasting V&A assets, and in getting new audiences into the museum itself, rather than browsing its contents online. Aiming to recreate the tensions and aesthetics of the exhibition, we designed an Alternative Reality Game centred on a shadowy intelligence organisation called The 7th Syndikate. 35 key social media voices were profiled from across a variety of relevant passion groups (such as design, film and history) and a variety of platforms (such as blogs, microblogs and social networks) and engaged to become ‘agents’ for the 7th Syndikate. They were then immersed in a series of challenges, puzzles and clues leading to a final ‘reveal’ - a private showing of the exhibition, at night, in the deserted V&A.
One day an agent might receive a cryptic geo-tagged image (from the exhibition) online; that afternoon they might spot an advert in the free Metro newspaper directing them to the 7th Syndikate site; that evening they might encounter one of the 2,000 7th Syndikate stickers or 20 reverse graffiti logos placed across the capital. Once they’d cracked the hidden map references, they congregated in Trafalgar Square dressed as spies, where a former Army Sergeant Major led them to the V&A in dramatic style, earning them an Evening Standard double page spread.
The content and conversation produced was exceptional; 35 core agents created 328 units of word of mouth alone, and as they were active across 50 different social and media sharing platforms, their wider communities soon joined in. As the game unfolded, Facebook groups sprung up, debate spread on Twitter and Flickr, and the WOM was measurably exposed to a further 90,000 people. The campaign won the Judges’ Special Award at the Word of Mouth Marketing Awards, but its real success lay in establishing the beginnings of a long-term V&A advocate tribe, who are very different to the usual museum crowd, and who love to share and spread its content and ideas.
This process was not about projecting a brand message. The V&A were brave in effectively handing the exhibition experience over to the voices, encouraging independent opinion formation and co-creation in a free and playful way. And one of the strongest elements of the campaign was getting the participants in the museum themselves, experiencing the exhibition in situ. There was real power in watching this eclectic group of young people walk single-file through the echoing museum corridors; the familiar place suddenly became a place of new wonder and discovery. Moreover, the contrast between the replicated content they’d seen on screen, and the objects placed in the gallery, was stark. Nothing can beat the intimacy of being with the original artefacts, in an environment carefully designed to emphasise the relationships between them. For 1000heads, the biggest coup was not that we got new audiences interested in the museum, but that we sparked the desire for them to be in it.
Of course, a word of mouth project doesn’t have to be this elaborate. Social media exists in real time, constantly updating and changing throughout the day, so some of the most effective ideas are simple and nimble. Why not try reacting to current events? If it snows, could you encourage local neighbourhoods or schools to create snow sculptures of some of your iconic or current exhibits, encouraging them to film themselves, take photos and blog and tweet the result? Or try reacting to what your visitors or potential visitors are saying today. Through the likes of Google Blog Search and Twitter Search, start monitoring social media using relevant key words. If you spot a tourist tweeting that they’re planning on visiting the museum, could you reply to them with a special code they can bring and exchange it for a free drink or catalogue when they arrive? Or set them a challenge to find a particular object in the museum, photograph, upload and tag it, at which point they’ll get a discounted voucher for another visit?
Social media is undeniably central to the future of museums, because museums themselves have always been part of social media; they too are platforms where we learn, share, create, inspire and debate. However, it is the nature of the conversation and content being spread on those platforms that will really affect whether they can still persuade people to spend their time and money on visits. So next time you’re looking at new ways to keep your museum relevant, why not push aside the old ‘how can we use social media?’ question and instead ask yourselves how you can make your exhibition into a conversational experience. How can your museum become a must-visit social platform in itself?
Translation - Spanish ¿Necesitan los museos a los medios de comunicación social, o más bien el boca a boca?
¿Cómo se define un museo en el año 2010? ¿Como un productor de contenidos multimedia? ¿Un agente educativo que facilita materiales didácticos interactivos? ¿Un gestor de comunidades? ¿Un crítico? ¿Una pequeña fracción de una red de cooperación internacional en materia cultural? Hoy día las instituciones se afanan en convertirse en todo eso y más, luchan por seguir siendo no sólo útiles sino también innovadoras en un mundo donde Internet se ha erigido en el mayor museo global.
En su papel de productores de contenidos, muchos museos se están dedicando a digitalizar sus colecciones para proporcionar a sus visitantes nuevos puntos de acceso que les permitan descubrir lo que pueden ofrecerles. Con la publicación de sus archivos de imagen en el proyecto Patrimonio Público de Flickr, instituciones como el Smithsonian, el Imperial War Museum, la Dirección del Patrimonio Nacional de Suecia o las Galerías Nacionales de Escocia prometen «en primer lugar, mostrarte tesoros ocultos en los archivos públicos de fotografía del mundo y, en segundo lugar, mostrarte de qué manera tu aportación y tus conocimientos pueden enriquecer aún más estas colecciones». El Australian War Memorial de Canberra está enseñando a su plantilla a agregar cada una de sus exposiciones a su blog, y está publicando en línea material expositivo y comentarios explicativos con objeto de fomentar su divulgación por el boca a boca. Mientras que más al norte, en la ciudad costera de Coffs Harbour, la biblioteca municipal está emitiendo el podcast Voice of Time, un proyecto de historia oral que pretende no sólo preservar las voces de los descendientes de los primeros pobladores, sino también darles una amplia difusión.
En su calidad de agentes educativos, están buscando formas de abrirse tanto a docentes como a alumnos. El Museo Nacional de Diseño Cooper-Hewitt de Nueva York ha creado un centro de recursos educativos en línea donde los profesores pueden acceder a unidades didácticas sobre diseño, ver vídeos de estudios de casos e intercambiar ideas y consejos en foros de discusión. En el Reino Unido, el proyecto educativo National Museums Online Learning Project ayuda, por un lado, a los centros docentes (mediante Webquests), y por otro, a los estudiantes (Creative Journeys) a crear, compartir y comentar contenidos en línea inspirados en las colecciones de una amplia gama de galerías participantes.
Como gestores de comunidades, están construyendo redes con los visitantes para atraer nuevos públicos y conservar su fidelidad. El Museo de Brooklyn es un magnífico ejemplo de ello. La responsable de Tecnología, Shelly Bernstein, gestiona el blog del museo y su presencia en MySpace, Facebook, Flickr, YouTube y Twitter durante casi 24 horas al día, los 7 días de la semana, contestando preguntas, actualizando noticias y debatiendo con visitantes y artistas. De igual modo, supervisa el canal 1stfans de Twitter, que encarga pequeñas obras gráficas exclusivas y organiza actividades personalizadas, generando una liga de defensores del Museo de Brooklyn que le dan buena prensa en la red.
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Como críticos, enriquecen la experiencia de los visitantes con medios virtuales y comentarios explicativos. El Museo de Brooklyn vuelve a despuntar: ofrece audio-guías gratuitas de sus colecciones permanentes para teléfonos móviles y iPods. Por otro lado, la National Gallery de Londres emite mensualmente podcasts con objeto de aportar una visión peculiar de sus famosas obras.
Y como colaboradores a escala mundial, los museos han estado usando proyectos tales como Patrimonio Público para aunar en beneficio mutuo un sector con un notorio sentido de la propiedad. Según Carolyn Rostyn, gestora del National Museums Online Learning Project, que aglutina a nueve de las instituciones del Reino Unido más destacadas, «Enseguida quedó claro [...] que los usuarios se podían beneficiar en mayor medida si se creaba una batería de herramientas que fomentara la participación, generando nexos entre instituciones y oportunidades de creación conjunta. Y aún más importante: con esta iniciativa se construiría una red única de participantes capaz de abarcar múltiples colecciones, a menudo inconexas».
Todos estos estudios de caso son fascinantes y efectivos, mas ¿no están contribuyendo simplemente a dejar obsoleta la institución física del museo? Al difuminar los límites de lo real y lo virtual, del lugar y la hora, del género y el público, ¿se está realmente sacando partido del valor de los museos como destinos intrínsicamente físicos, geográficos e históricos por derecho propio? ¿Existe otra manera de fomentar que se hable de los museos en sí y no meramente de su contenido?
No cabe duda de que los museos deben incorporar elementos digitales y sociales para sobrevivir y prosperar en un mundo bien informado y al día. Pero gracias a los medios de comunicación social, ahora todos somos directores de museos. Ya contamos con infinidad de buenos productores de contenidos multimedia, gestores de comunidades y redes de cooperación internacional en materia cultural, y además son gratuitos, tienen frescura y están siempre disponibles. Cuando uno le echa un vistazo al MoOM, un museo de museos en línea en el que figura una larga lista de enlaces a museos, galerías y exposiciones en la red que van desde el Rijksmuseum o el Museo de Orsay hasta un museo privado de envoltorios de barritas de chocolatina o una colección de sellos israelíes, uno se empieza a preguntar cómo pueden atraer los museos a los amantes de la cultura de hoy día. Es difícil aportar valor añadido y captar la atención en un entorno donde ya se pueden encontrar exhaustivos análisis a cualquier nivel y sobre cualquier tema: desde la importancia del pollo frito en el transcurso de la historia hasta la de los percheros.
En su ponencia de 2007 Web 2.0: How to Stop Thinking and Start Doing , (Web 2.0: Cómo dejar de pensar y empezar a actuar) que versa sobre cómo pueden superar los museos las barreras al cambio, Mike Ellis del Science Museum de Londres y David Kelly de la Universidad de Bath afirman: «Web 2.0 otorga el protagonismo a los usuarios y no a la organización. De hecho, las estructuras organizativas, la terminología propia de los departamentos, el “valor” percibido de nuestros activos, lo que la organización puede contar sobre sí misma, todo ello está siendo puesto en tela de juicio». Esto suena muy democrático y excitante, pero en realidad subestima el poder que puede tener el papel, la identidad histórica e incluso la autoridad de un museo.
[Insertar imagen 2. Pie de foto: La Exposición Universal en el Palacio de Cristal de Hyde Park, Londres,1851.]
Tal vez, en lugar de centrarnos en cómo pueden adoptar los museos nuevas y atrevidas formas, deberíamos volver a lo que los hace únicos. Parece increíble que los museos hayan adquirido una connotación de seriedad y tradicionalismo académico, cuando éstos siempre han poseído un espíritu inherentemente social y de participación colectiva. En el siglo XVI, coleccionistas privados de heterogéneas curiosidades de todo el mundo exhibían sus tesoros con el mismo celo humanístico que los autores de la Wikipedia, lo cual originó nuevos hallazgos sobre la manera en que nuestro mundo estaba interrelacionado, como nunca antes lo había estado. En el siglo XIX, los museos se convirtieron en foros sociales en boga adonde la gente acudía en tropel a admirar los últimos objetos exóticos; y eventos tales como la Exposición Universal de Londres en 1851 generaron la misma expectación y revuelo que el estreno de Avatar en 2010.
Así pues, quizás la pregunta que haya que plantear no sea qué les falta a los museos, sino qué han perdido. Ya no acudimos a ellos como lugares esenciales donde asombrarse, donde vivir una experiencia sensual y emotiva en comunión, sino que los vemos como anticuados agrupadores de contenido fuera de línea al que se puede acceder de manera más rápida y barata desde otro sitio. El quid de la cuestión es que los museos se están integrando más en los medios de comunicación social, pero siguen sin ser apenas motivo de conversación. No hablamos lo bastante sobre lo que hacen, lo que nos aportan, sobre por qué el acto de visitar la institución en sí resulta estimulante y provocador, y por qué pensamos que los demás deberían visitarla igualmente. No olvidemos que las conversaciones en los medios de comunicación social por lo general son una mera compilación de experiencias emotivas de la vida real, y por ende, para conseguir un auténtico tirón en la red no sólo es preciso crear puntos de acceso digitales, sino también experiencias únicas que las personas querrán compartir, sea cual sea la plataforma usada.
Imaginen que entran en la exposición de un museo. En la entrada, un hombre de aspecto solemne con una chaqueta blanca les invita a pasar a un habitación contigua donde les despojan de cualquier cosa que les conecte con el mundo exterior y la guardan a buen recaudo: sus teléfonos inteligentes, sus cámaras, sus iPods, sus relojes. Les confiscan incluso los bolígrafos y el papel. Se adentran en la sala sin nada más que sus cinco sentidos, teniendo que enfrentarse a los objetos sin mediación alguna: no hay letreros ni comentarios explicativos. Ciertamente los museos son centros de educación e ilustración, así que podría haber una sala interactiva al fondo de la muestra donde se explicasen y explorasen todos los contextos y la relación entre los objetos. En cambio, en la sala principal los visitantes deben sencillamente sentir su presencia allí, y percibir.
Esto puede parecer un enfoque totalmente contrario a la intuición, en un sector que se está esforzando en aportar un contenido susceptible de difundirse aún más y de más formas; no obstante, lo importante de esta teórica exposición es que hace hincapié en la experiencia y deja la elaboración del contenido, cuando éste aflora, al criterio del visitante. El museo se convierte en un lugar especial, un refugio donde el tiempo puede quedar en suspenso permitiendo al visitante escapar de las limitaciones del mismo para obtener una visión más amplia de la historia, así como sumergirse en el presente para apreciar mejor los objetos en el espacio. El impacto de dicha experiencia, tan distinta de nuestras saturadas vidas digitales, es lo que le impulsará luego a difundirla a través del boca a boca, en la red y fuera de ella, de manera profundamente emotiva y entusiasta.
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Éste es sólo un ejemplo del museo moderno como teatro, aunque todas las exposiciones son inherentemente teatrales: allí donde se produce un choque entre el momento, el lugar, los objetos y las personas, surge el teatro. Y este método de recurso a la sorpresa y la renovación sensual para revitalizar la experiencia de ir al museo puede adoptar infinidad de formas.
Un ejemplo de ello es la campaña de la agencia 1000heads, experta en «marketing de boca a boca», para una exposición sobre la modernidad durante la Guerra Fría en el Museo Victoria and Albert de Londres. Esto supuso una emocionante oportunidad de conjugar plataformas sociales en línea con la influyente plataforma social del famoso museo. No obstante, el punto de mira siempre estuvo puesto en estimular la comunicación entre iguales más que en divulgar los activos del museo, así como en atraer al museo en sí a públicos nuevos más que en incitarlos a curiosear su contenido por Internet. Con el propósito de recrear las tensiones y la estética de la muestra, ideamos un juego de realidad alternativa sobre un misterioso servicio de inteligencia llamado el 7th Syndikate. Se perfilaron 35 representantes de medios de comunicación social clave provenientes de diversos grupos de aficionados relacionados con el tema (como por ejemplo el diseño, la cinematografía o la historia) y de múltiples plataformas (como blogs, microblogs o redes sociales) y se les invitó a convertirse en «agentes» del 7th Syndikate. A partir de ese momento se vieron inmersos en una serie de pruebas, enigmas y pistas que conducían a la «revelación final»: una exhibición nocturna de la muestra en exclusiva, con el museo desierto.
Un día un agente podía recibir una misteriosa imagen asociada a una información geográfica (relativa a la exposición); esa misma tarde podían descubrir un anuncio en el periódico gratuito Metro que les llevaba a la página web del 7th Syndikate; y esa misma noche podían toparse con una de las 2000 pegatinas de dicho servicio de inteligencia o de los 20 grafitis en negativo de logotipos diseminados por la capital. Tras descifrar las referencias ocultas del mapa, se congregaron vestidos de espías en Trafalgar Square, donde un ex sargento mayor del ejército les condujo teatralmente al Museo Victoria and Albert, lo que les valió una doble página en el diario Evening Standard.
[insertar imagen 4. Pie de foto: La aventura de los «agentes» del 7th Syndikate del Museo Victoria and Albert, Londres.]
El evento hizo mucho ruido y corrieron ríos de tinta: con sólo 35 agentes principales se crearon 328 unidades de boca a boca, y puesto que participaban en 50 plataformas sociales y de intercambio de recursos multimedia diferentes, enseguida se unieron comunidades más amplias. A medida que el juego avanzaba, surgían grupos de Facebook, los debates se multiplicaban en Twitter y Flickr, y se calculó que el boca a boca podía llegar a 90 000 personas más. La campaña recibió el premio especial del jurado del certamen de marketing de boca a boca Word of Mouth Marketing Awards, mas su verdadero éxito residió en sentar las bases de una liga estable de defensores del Museo Victoria and Albert, muy distinta de la muchedumbre que acude normalmente al museo y a la que además le encanta compartir y difundir sus contenidos e ideas.
El fin de este proceso no era divulgar un mensaje de marca. El Museo Victoria and Albert tuvo el valor de dejar realmente la experiencia de la muestra en manos de la gente, promoviendo la formación de opinión independiente y de creación conjunta de una manera libre y divertida. Y uno de los elementos de más peso de la campaña fue atraer al museo a los propios participantes, que vivieron la exposición in situ. Resultaba verdaderamente impactante ver a este heterogéneo grupo de jóvenes andando en fila india por los pasillos del museo que resonaban con sus pasos; ese lugar familiar de repente se convirtió en un lugar lleno de nuevos descubrimientos y maravillas. Además, el contraste entre el contenido que habían visto reproducido en pantalla y los objetos de la galería era absoluto. Nada supera el sentimiento de cercanía a las piezas originales, en un ambiente cuidadosamente pensado para hacer resaltar la relación entre éstas. Para 1000heads, el mayor éxito no fue conseguir nuevos públicos interesados en el museo, sino el haber despertado su deseo de estar allí.
Por supuesto, no hace falta que un proyecto de marketing de boca a boca sea tan elaborado. Los medios de comunicación social existen en tiempo real, actualizándose y mutando constantemente a lo largo del día; así pues, algunas de las ideas más efectivas son sencillas además de rápidas. ¿Por qué no intentar reaccionar al tenor de los acontecimientos de la actualidad? Si nieva, se podría animar a los barrios o a los colegios locales a modelar esculturas de nieve inspirándose en alguna de las piezas icónicas o temporales del museo, y tal vez a grabarse a sí mismos, fotografiar y mostrar el resultado en un blog y en Twitter. O intentar responder a lo que hoy día anda en boca de sus visitantes o potenciales visitantes. Empiecen a estudiar a los medios de comunicación social usando palabras clave significativas, mediante herramientas como la página de búsqueda de blogs de Google o la de búsqueda de Twitter. Si dan con un turista que está escribiendo en Twitter que se está planteando ir al museo, quizás podrían responderle mandándole un código especial para que lo canjee en la entrada por una bebida gratis o un catálogo. O tal vez podrían retarle a encontrar un determinado objeto del museo, fotografiarlo, subirlo a la red y ponerle una etiqueta, tras lo que obtendría un bono de descuento para la próxima visita.
Los medios de comunicación social son, sin lugar a dudas, vitales para el futuro de los museos, pues los museos siempre han formado parte de estos medios: los museos también son plataformas donde aprendemos, compartimos, creamos, nos estimulamos y debatimos. Sin embargo, es la naturaleza de lo dicho y visto en esas plataformas lo que verdaderamente determinará si éstas aún pueden convencer a la gente de que invierta su tiempo y dinero en visitar el museo. Por tanto, la próxima vez que estén buscando nuevas formas de hacer que su museo siga teniendo utilidad, ¿por qué no se olvidan de la manida pregunta de cómo podemos usar los medios de comunicación social y en su lugar se preguntan qué pueden hacer para que su exposición se convierta en una experiencia que dé que hablar? ¿Cómo pueden convertir su propio museo en una plataforma social de obligada visita?
French to Spanish: Muséographier l’immatériel: autour de l’exposition Bruits General field: Art/Literary
Source text - French Muséographier l’immatériel: autour de l’exposition Bruits
par Marc-Olivier Gonseth, conservateur du Musée d’ethnographie de Neuchâtel
Patrimoine culturel immatériel
Lancé par l'UNESCO à Mexico en 1982, le terme de patrimoine culturel immatériel (ci-après «PCI») a touché la Suisse en 2008 avec la ratification de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (datant de 2003) et de la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (datant de 2005).
Centre de cette dynamique, le «porteur de PCI» est un individu lambda doté d’une denrée pas forcément rare: une connaissance dans le domaine des traditions orales, des arts du spectacle, des rites sociaux, des savoirs populaires ou des savoir-faire artisanaux, partagée avec d’autres individus, attestée depuis plusieurs générations et susceptible d’être transmise à de nouveaux porteurs.
Face aux défis posés par l’irruption du nouveau paradigme dans le domaine des sciences sociales, l’Institut d’ethnologie de l’Université et le Musée d’ethnographie de Neuchâtel se sont associés à plusieurs instituts de recherche pour étudier la mise en place d’une politique nationale en matière de protection du PCI. Financée pendant trois ans par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, cette collaboration représente le premier grand projet mené de front par l’Institut et le Musée. Chance à saisir pour les deux institutions, cette opportunité soulève au passage des questions épineuses sur la nature politique et stratégique de la culture.
Les partenaires du projet ont constaté que ce nouveau domaine posait au moins autant de problèmes qu’il n’en résolvait, ne serait-ce que parce qu’il repose sur une vision figée du patrimoine, qu’il véhicule une perception essentialiste de la culture et qu’il oppose de manière radicale les versants matériels et immatériels d’une même réalité (Gonseth et Hertz 2008; 2010). Il recèle cependant de toute évidence une vraie potentialité de mise en question de la réflexion sur le patrimoine et de reformulation des enjeux liés aux pratiques et aux savoirs populaires.
PCI et musées
Indépendamment de sa fragilité ou de sa pertinence, la perturbation opérée par la notion de PCI est sans doute en train de redéfinir en profondeur la mission des musées. D’après Walter Leimgruber (2011), ceux-ci devront à l’avenir thématiser plus clairement les liens qu’ils tissent entre matériel et immatériel; les profils professionnels de leurs collaborateurs vont évoluer; ils s’orienteront plus qu’avant vers le présent; ils tendront à se transformer en centres mémoriels; ils se concentreront davantage sur les gens que sur les objets; ils présenteront non seulement des pratiques culturelles mais ils en permettront également l’apprentissage, la documentation et l’étude; ils deviendront des lieux de rencontre; ils passeront de la conservation des objets à la conservation des processus et des producteurs .
Rendus perméables à de nouveaux courants associant logique commerciale, implication politique et développement touristique, ces lieux traditionnellement consacrés à la conservation, à l’exposition et à la recherche tendent parallèlement à se transformer en machines à produire de l’expertise esthétique, de l’événement culturel et du commentaire journalistique. Il faudrait peu, à entendre certains, pour que des pans entiers des collections soient rendus au marché, que les expositions se muent en campagnes publicitaires et que les questions posées le soient avec un contenu ne dépassant pas les préoccupations conceptuelles des journaux gratuits. Car tout ce qui n’est pas immédiatement vendable, facilement exploitable ou aisément communicable tend à être relégué aux marges ou aux confins des espaces culturels.
Dans cet espace symbolique où prédomine la notion de rentabilité, le territoire du PCI ne fait pas vraiment peur, ni tache, car il semble s’accorder avec l’esprit du temps: prétendument proche des savoirs et pratiques populaires, intégrant implicitement les collectivités les plus diverses, apparemment léger dans son expression et dans sa transmission, il donne l’impression d’englober la part la moins critique des comportements culturels, évoque la légèreté des transmissions orales et paraît susceptible de s’incarner dans les supports mercantiles les plus divers. Rien à voir à première vue avec l’insolence des avant-gardes, le tranchant des savoirs techniques, le poids des collections tangibles ou la lourdeur des bases de données. Et pourtant tous ces registres sont bel et bien connectés, interdépendants et incontournables sur la scène des productions dites immatérielles.
L’apparente légèreté de l’immatérialité
L’équipe du Musée d’ethnographie de Neuchâtel (MEN) a décidé de poser la question de l’immatérialité à travers une réflexion consacrée au patrimoine sonore. Nous pensions naïvement que notre projet muséographique jouerait principalement sur le vide et les volumes épurés. Imaginant notamment une scène sur laquelle pourrait se jouer un programme bruitiste et rêvant de faire un usage intensif de lumière et de son, nous nous figurions que, pour une fois, nous allions voyager léger.
Nous nous trompions du tout au tout. Cette erreur a cependant une valeur heuristique que nous aurions pu anticiper si nous avions mieux analysé la certitude qui nous habite depuis longtemps, à savoir que l’opposition tranchée entre matériel et immatériel n’a aucun sens en ethnologie et n’en a pas davantage en muséologie.
Les articulations principales de notre scénario semblaient pourtant se prêter à une certaine simplicité: d’abord l’immersion brutale du visiteur dans des bruits difficiles à interpréter; ensuite une révélation du sens de ces bruits témoignant de l’évolution de notre pensée face à l’esthétique musicale d’ici et d’ailleurs; puis l’énoncé d’une urgence de sauvegarde d’un patrimoine évidemment beaucoup plus large que prévu vu que l’apparent chaos du monde (les bruits) faisait également partie du tableau; pour en arriver à une opposition entre la politique du bunker, dans lequel se conserve le patrimoine sonore, et celle du champ ouvert où ce patrimoine est siphonné, réutilisé, détourné, recyclé … au gré des réappropriations successives par différentes générations de plus en plus concernées par les performances live.
Deux écueils cependant: en premier lieu, le son ne peut être cantonné que si on l’enferme, et plutôt à double tour, d’où la quantité exceptionnelle de cloisons et de matériaux d’isolation répartis dans l’espace temporaire. Ensuite, une succession de tableaux théoriques ne fait pas une exposition et il a fallu une confrontation fertile avec nos scénographes et un réexamen approfondi de l’histoire que nous avions envie de raconter pour que s’impose l’image unificatrice d’un Nautilus échoué sur le sable, métaphore d’un projet muséal du XIXe siècle abordant les contradictions du XXIe siècle.
C’est la première fois dans l’histoire du MEN que nous pratiquons une harmonisation de notre projet dans un unique espace métaphorique, ici fait d’eau, de coquillages, d’arche sonore, de cale sèche, de salle des machines, d’écrans de contrôle, de médiathèque rétro-futuriste, de coque déchirée, de dunes festivalières et de récifs balayés par les vagues.
Plutôt que de faire le vide, nous avons donc fait le plein dans notre sous-marin. Il s’agit même du projet le plus lourd que nous ayons jamais entrepris dans l’espace des expositions temporaires depuis que je le côtoie, juste retour des logiques matérielles sur les désirs d’immatérialité.
Le projet nous permet d’affirmer au passage que la notion de patrimoine culturel immatériel ne peut en aucun cas être pensée à l’écart de sa composante matérielle et ceci pour deux raisons au moins. D’une part, la soi-disant immatérialité des pratiques techniques et rituelles désignées par cette notion est tissée de matérialités de toutes sortes, qui s’avèrent d’autant plus lourdes lorsque se greffent sur elles des logiques de conservation. D’autre part, la soi-disant matérialité est tissée d’immatérialités de toutes sortes, symboliques, fonctionnelles, techniques, au risque sans cela d’être parfaitement inintéressante et intransmissible dans son essence, comme l’énonce cette extraordinaire affirmation faite en 1914 par Arnold Van Gennep, dont la pertinence nous a guidés lors de la réalisation de Retour d’Angola: «Si les musées ethnographiques dans leur état actuel font du mal à notre science, c’est qu’ils perpétuent l’illusion ancienne que ce qui lui importe, c’est avant tout la connaissance des objets matériels.»
L’exposition Bruits
Partir de la notion de «bruit» (et non de «son») nous a permis d’ouvrir la focale et d’inclure dans notre sous-marin la plupart des interrogations liées aux processus de patrimonialisation:
• comment organiser le chaos du monde ?
• comment intégrer les productions des autres d’ici et d’ailleurs, lorsque ce que nous entendons nous heurte ou nous échappe ?
• sommes-nous en état d’urgence ?
• que garder du flot d’informations disponibles autour de nous alors que les moyens de captation visuelle et sonore n’ont jamais été aussi efficaces, compacts et répandus ?
• jusqu’où favoriser ou intégrer transferts, recyclages, réinterprétations et détournements des productions anciennes ?
• comment gérer intelligemment la masse de données accumulées dans tous les Nautilus qui sillonnent ce globe et dont les contenus intéressent au premier chef les vendeurs de hardware et les gestionnaires de portails Internet ?
L’affiche de l’exposition propose une première grille de lecture. Réalisée par le dessinateur de bandes dessinées et scénographe belge François Schuiten, elle renvoie à une forme de surréalisme muséal qui fait partie intégrante de la démarche du MEN depuis les années 1980. Elle propose par ailleurs une vision fantasmée de Neuchâtel, dont quelques bâtiments sont clairement reconnaissables pour ceux qui pratiquent cette cité. Elle positionne enfin au haut de l’oreille la Villa de Pury, offerte à la Ville en 1902 pour y installer le Musée ethnographique. Dans un espace-temps parallèle, elle offre ainsi une vision forte de la pratique de l’observation et de l’écoute du monde, à la fois rigoureuse et subjective, qui se pratique en ce lieu depuis plus de cent ans.
Tout au long de l’exposition, sept tableaux élaborés à partir de la figure du Nautilus invitent le public à se frotter aux bruits des autres, à s’interroger sur l’évolution des supports et des techniques d’enregistrement et à réfléchir au traitement des données sonores à l’heure de l’Internet.
Le souvenir de la houle
Choisir la métaphore du Nautilus comme fil conducteur de notre réflexion sur le patrimoine sonore a imposé un premier espace non prévu dans le scénario initial. Offrant aux visiteurs l’expérience apparemment étrange – dans un musée tout au moins – de la destruction d’objets, sous la forme de coquillages crissant sous leurs pieds et se transformant lentement en sable, l’espace offre surtout une première clé de lecture de l’exposition, liée à l’association libre et au discours poétique, à l’image du texte de Francis Ponge (1942) posé dans un tiroir-vitrine: «Un coquillage est une petite chose, mais je peux la démesurer en la replaçant où je la trouve, posée sur l’étendue du sable. Car alors je prendrai une poignée de sable et j’observerai le peu qui me reste dans la main après que par les interstices de mes doigts presque toute la poignée aura filé, j’observerai quelques grains, puis chaque grain, et aucun de ces grains de sable à ce moment ne m’apparaîtra plus une petite chose, et bientôt le coquillage formel, cette coquille d’huître ou cette tiare bâtarde, ou ce «couteau», m’impressionnera comme un énorme monument, en même temps colossal et précieux, quelque chose comme le temple d’Angkor, Saint-Maclou, ou les Pyramides, avec une signification beaucoup plus étrange que ces trop incontestables produits d’hommes.»
Orienté (ou désorienté) par cette entrée en matière à la fois sensorielle et cérébrale, le visiteur est susceptible de s’ouvrir de manière plus immédiate aux associations multiples que lui propose l’exposition. Le coquillage renvoie en effet au fracas de l’univers marin et au bruit du corps qui l’écoute. Naturels dans un premier temps, et donc susceptibles d’être écrasés sans arrière-pensée , les coquillages sont également objets de culture: intégrés aux typologies des anciens cabinets de sciences naturelles ou associés à une connaissance technique et à une pratique sociale, ils renferment alors de toute évidence une part d’immatérialité essentielle à leur compréhension: coiffe, godets à peinture, instruments de musique ne seraient pas compris comme tels s’ils n’étaient pas accompagnés d’un commentaire lié au contexte de leur collecte.
Le bruit des autres
La cale du Nautilus apparaît brute de décoffrage. Le dispositif évoque un chargement de marchandises provenant de tous les coins de la planète, avec sur une partie des caisses des initiales, un titre, un lieu et une date. Peu d’information pour se repérer clairement, bien que les cartels en question soient presque aussi complets que ceux qui sont proposés dans les musées d’art. Des caisses filtrent des bruits étranges lorsque le pied se pose dessus et cessent dès que le pied se lève. Liés à l’ethnomusicologie, au folklore, aux avant-gardes bruitistes et aux musiques populaires, les extraits proposés de manière chronologique ont tous à un moment ou un autre été considérés comme des bruits et font tous en réalité partie de l’histoire de la musique.
Outil de discrimination esthétique et culturelle, le terme «bruit» tend en effet à désigner tout ce qui déplaît à l’auditeur ou se révèle étranger à ses normes d’écoute. Mais la perception du beau, de la cohérence, de la proportionnalité, de l’équilibre et même du supportable varie à travers le temps et l’espace. Les bruits d’hier ne recoupent pas ceux d’aujourd’hui et les bruits d’ailleurs ne recouvrent pas ceux d’ici. Tel est le message de l’installation, qui se transforme au bon vouloir des visiteurs en un clavier géant dont ils peuvent jouer seuls ou en groupe, chaque visite offrant une composition originale à base d’extraits activés plus ou moins fréquemment et plus ou moins longtemps.
Le murmure de la théorie
La salle des machines met en scène tout aussi abruptement une forêt de bouches d’aération d’où filtre un murmure continu. Lorsque le visiteur se rapproche d’une bouche, un personnage apparaît et un extrait sonore se déclenche, rapidement suivi d’une explication concernant le contexte de composition, de découverte ou de collecte de l’extrait concerné.
Le visiteur attentif se rend compte qu’il dispose ainsi d’un commentaire circonstancié sur le contenu des caisses qu’il a enjambées dans le secteur précédent. A travers les propos des «craqueurs de codes» ayant redéfini la notion de musique depuis le XVIIIe siècle sont notamment mis en perspective la réhabilitation du folklore par les romantiques, les balbutiements de l’ethnomusicologie et l’intégration de «bruits» dans la composition musicale classique et populaire. Quant au visiteur qui n’a pas fait le lien entre les deux espaces, il se rend au moins compte qu’une série de spécialistes lui proposent de s’intéresser à des formes musicales qu’il aurait facilement tendance à considérer comme des bruits, ou plus simplement il réalise que des humains tentent de lui chuchoter des théories à l’oreille.
Les sirènes de l’urgence
Dans la salle de contrôle du Nautilus, des écrans veillent sur un monde en danger, donnant l’alerte face à la disparition prochaine d’un chant, d’un rite, ou d’une langue. Et à travers le périscope, une vision apocalyptique semble leur donner raison: déplacement panoramique à l’intérieur du travail graphique de deux artistes ayant pris la fin des temps comme objet de réflexion et d’associations plastiques (Bastian 2010).
Confrontés à la transformation rapide des sociétés, les anthropologues ont toujours appelé à préserver la diversité culturelle et à la conserver par des mots, des images et des enregistrements. Tirant avec d’autres la sonnette d’alarme, ils ont proposé une mobilisation d’urgence pour sauvegarder ce qui pouvait l’être et développé des programmes visant à dupliquer les mondes menacés. Ils ont ainsi paradoxalement diagnostiqué la fin prématurée de leur objet d’étude. Ils ont tout aussi paradoxalement privilégié la conservation ou la sauvegarde d’un monde en train de disparaître par rapport à la documentation et l’interprétation d’un monde en train de se transformer.
L’écho des réserves
La médiathèque du Nautilus expose les collections audiovisuelles du MEN et permet d’éprouver le poids de l’immatérialité. Les programmes de sauvegarde du patrimoine ont en effet abouti à la création d’impressionnantes bases de données. Face à la rapide obsolescence des techniques, les données sont confrontées à d’incessants transferts et remises en question. Et même si elles proposent une alternative à la perte, elles se résument souvent à faciliter le deuil, à entériner le tri et à offrir la jouissance d’un passé idéalisé.
Deux machines improbables métaphorisent l’essence du travail muséal. D’un côté, un congélateur de tradition (Tradicer) transforme les données audio-visuelles qui le traversent en contenus formatés dans des boules à neige réparties ensuite dans divers distributeurs visuels sonores. Le processus semble dérisoire mais n’est-il pas une traduction fidèle du travail de tri, d’épuration, de schématisation et de mise en vitrine effectué par les institutions muséales ? De l’autre, un distillateur de collections permet de poser des hypothèses et de développer des théories falsifiables à partir de dimensions apparemment matérielles. Chaque goutte distillée provoque en tombant l’apparition d’un flot d’images liées à plusieurs stades de réflexion autour des objets présentés. Les cuvées théoriques sont ensuite mises en bouteilles. Munies d’une étiquette interprétative, elles figurent en tant que commentaire dans les vitrines du salon et expriment le caractère à la fois fragile et péremptoire des théories construites à partir de la culture matérielle.
Les données présentées dans cet espace le sont selon le principe du «mouvement arrêté». Pas de vitrines à proprement parler mais des niches qui s’apparentent à un terminal de tapis roulant ou de distributeur automatique, comme si une machine géante gérait les entrailles du sous-marin et faisait apparaître à la surface une partie précise de la collection qu’il renferme. Un tel dispositif évoque le caractère abyssal de la volonté de conserver et d’archiver la totalité des caractéristiques signifiantes d’une situation, ainsi que le préconisait Jean Gabus, directeur du Musée entre 1945 et 1978. Cette volonté est figurée ici au fil de diverses missions par la présentation d’un appareil particulier lié à une technologie en évolution permanente, des supports permettant le stockage de l’information par cet appareil, d’extraits sonores récoltés par cet appareil (les boules à neige), de théories liées à ces extraits sonores (les bouteilles), d’instruments de musique figurant sur ces extraits sonores, d’extraits de films, de photographies, de publicités liées à l’usage de cet appareil.
Le glouglou des pipelines
Sur la plage, là où le Nautilus s’est échoué, des infrastructures improvisées évoquent une série de phénomènes contemporains liés à la reconfiguration du passé. Ici, les données réunies par les spécialistes des arts et traditions populaires sont piratées, détournées et intégrées à de nouveaux jeux culturels, économiques et sociaux.
La musique offre une démonstration parlante de ce processus: partiellement réifiée par la science et l’industrie, la musique et ses données convergent aujourd’hui sur Internet. Profitant à quelques pirates, elles nourrissent également une création vibrante qui s’épanouit notamment dans la performance «live».
Relever cette tendance des sociétés modernes à tendre vers l’événementiel, voire à l’institutionnaliser, nous a permis de mieux comprendre la fascination récente pour l’immatériel. Et relever l’intérêt majeur des constructeurs de hardware, des propriétaires de portails Internet et des gestionnaires de la téléphonie mobile pour les contenus stockés dans les innombrables bases de données visuelles et sonores constituées depuis un siècle a fait émerger une nouvelle définition du PCI: ne s’agirait-il pas avant tout des gisements de contenus commercialisables par l’industrie de la communication ?
Le fracas du ressac
La fin de l’exposition propose de boucler la boucle qui va de la salle où les visiteurs foulent au pied des coquillages et les transforment en sable à celle où le rideau se referme sur leur corps pris dans l’univers marin et enjambe ces vers de Saint-John Perse (2009):
«… Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette grandeur,
«Cette chose errante par le monde, cette haute transe par le monde, et sur toutes grèves de ce monde, du même souffle proférée, la même vague proférant
«Une seule et longue phrase sans césure à jamais inintelligible…
Translation - Spanish «Museografiar» lo inmaterial: sobre la exposición Bruits
por Marc-Olivier Gonseth, conservador del Musée d’ethnographie de Neuchâtel.
Patrimonio cultural inmaterial
Acuñado por la UNESCO en México en 1982, el término patrimonio cultural inmaterial (en lo sucesivo «PCI») se implantó en Suiza en 2008 con la ratificación de la Convención para la Salvaguardia del Patrimonio Cultural Inmaterial (2003) y la Convención sobre la Protección y Promoción de la Diversidad de las Expresiones Culturales (2005).
El protagonista de esta dinámica, el «vector de PCI», es un individuo común y corriente con un bagaje no necesariamente excepcional: algún conocimiento en el ámbito de las tradiciones orales, las artes escénicas, los ritos sociales, los saberes populares o el saber hacer artesanal, compartido con otros individuos, avalado por varias generaciones y transmisible a otros vectores.
Ante los retos que entraña la irrupción de un nuevo paradigma en el campo de las ciencias sociales, el Institut d’ethnologie de la universidad de Neuchâtel y el Musée d’ethnographie de esta ciudad suiza, se han asociado con varios institutos de investigación a fin de estudiar una política nacional para la protección del PCI. Esta colaboración, financiada durante tres años por el Fondo Nacional Suizo de Investigación Científica, representa el primer proyecto de envergadura en el que se embarcan estas dos instituciones. Supone, además, una óptima oportunidad para ambas, que sin embargo no deja de suscitar cuestiones espinosas sobre la naturaleza política y estratégica de la cultura.
Los participantes del proyecto constataron que este nuevo campo planteaba como mínimo la misma cantidad de problemas que resolvía, tal vez porque se basa en una visión fosilizada del patrimonio, vehicula una percepción esencialista de la cultura y contrapone de forma radical los aspectos materiales e inmateriales de una misma realidad (Gonseth y Hertz 2008, 2010). No obstante, es innegable que brinda una ocasión única para cuestionar las reflexiones sobre el patrimonio y reformular las consideraciones sobre las prácticas y los saberes populares.
El PCI y los museos
Con independencia de su fragilidad o pertinencia, la turbación que ha provocado la noción de PCI está sin duda redefiniendo por completo la misión de los museos. Según Walter Leimgruber (2011), en el futuro, estos deberán tematizar con mayor claridad los vínculos que establecen entre lo material e inmaterial; el perfil profesional de sus colaboradores evolucionará; se orientarán más que antes en el presente; tenderán a transformarse en centros de memoria; se centrarán más en las personas que en los objetos; no solo darán a conocer prácticas culturales sino que también serán centros de aprendizaje, documentación y estudio; se convertirán en lugares de encuentro, y pasarán de la conservación de objetos a la conservación de procesos y productores .
Ya permeables a las nuevas corrientes que conjugan la lógica comercial, la implicación política y el desarrollo turístico, estos lugares tradicionalmente dedicados a la conservación, exposición e investigación van camino de convertirse al mismo tiempo en máquinas de producir valoraciones estéticas, eventos culturales y columnas periodísticas. Al decir de algunos, poco falta para que se lancen al mercado colecciones casi enteras, para que las exposiciones se transmuten en campañas publicitarias y para que el contenido de las temáticas elegidas no trascienda de las meras preocupaciones conceptuales de un diario gratuito. Pues todo lo que no se pueda vender de manera inmediata, o no se pueda explotar y comunicar con facilidad, se suele relegar a los márgenes o confines de los espacios culturales.
En este lugar simbólico donde predomina la noción de rentabilidad, el PCI en verdad ni asusta ni desentona, ya que da la impresión de estar en consonancia con la mentalidad de la época: al estar, a priori, estrechamente ligado a los saberes y las prácticas populares; al integrar de forma implícita las comunidades más variopintas, y aparentar ligereza tanto en su expresión como en su transmisión, el PCI parece englobar la parte menos crítica de los comportamientos culturales, evoca la ligereza de las trasmisiones orales y parece poder materializarse en los soportes mercantiles más diversos. Nada que ver a primera vista con la insolencia de las vanguardias, la contundencia de los saberes técnicos, el peso de las colecciones tangibles y la complejidad de las bases de datos. Y sin embargo, en la esfera de las producciones llamadas inmateriales, todos estos registros se relacionan en realidad entre sí, son interdependientes e ineludibles.
La aparente ligereza de la inmaterialidad
El equipo del Musée d’ethnographie de Neuchâtel (MEN) decidió abordar la cuestión de la inmaterialidad por medio de una reflexión sobre el patrimonio sonoro. Pensábamos ingenuamente que nuestro proyecto museográfico jugaría sobre todo con el vacio y los volúmenes depurados. Nos habíamos imaginado, en concreto, un escenario donde se podría reproducir un programa de ruidos, y habíamos soñado con hacer un uso intensivo de la luz y el sonido, así que creímos que, por una vez, viajaríamos ligeros de equipaje...
Nos equivocamos de todo en todo. Este error, no obstante, presenta un valor heurístico que habríamos podido anticipar si hubiéramos analizado mejor la certeza que abrigamos desde hace tiempo, a saber, que la oposición tajante entre lo material y lo inmaterial no tiene ningún sentido en etnología, ni tampoco en museología.
Las principales articulaciones de nuestro proyecto parecían sin embargo prestarse a una cierta simplicidad: primero, se sumerge abruptamente al visitante en unos ruidos difíciles de interpretar; a continuación, se le revela el sentido de esos ruidos que muestran la evolución de nuestro pensamiento frente a la estética musical de aquí y de otros lugares; luego, se le transmite la urgencia de salvaguardar un patrimonio visiblemente mucho más amplio de lo previsto, ya que el aparente caos del mundo (los ruidos) también forma parte de la escena, y finalmente se le muestra la contraposición entre la política del búnker, donde se conserva el patrimonio sonoro, y la del campo abierto, donde el patrimonio se trasvasa, reutiliza, moldea, recicla, etc. a merced de las sucesivas reapropiaciones que de él hacen las distintas generaciones cada vez más marcadas por las actuaciones en directo.
Si bien nos topamos con dos escollos. Primero, solo se puede confinar el sonido cuando se lo encierra —y mejor bajo siete llaves—, de ahí la cantidad excepcional de mamparas y materiales de aislamiento repartidos por el espacio de las exposiciones temporales. En segundo lugar, una sucesión de paneles teóricos no constituye por sí misma una exposición, por lo que tuvimos que mantener una fértil discusión con nuestros escenógrafos y reexaminar en profundidad la historia que queríamos contar para al final recalar en la imagen unificadora de un Nautilus varado en la arena, metáfora de un proyecto museístico del siglo XIX que aborda las contradicciones del siglo XXI.
Es la primera vez en la historia del MEN que armonizamos nuestro proyecto en un único espacio metafórico, formado en este caso de agua, conchas, un arco sonoro, un dique seco, una sala de máquinas, pantallas de control, una mediateca retrofuturista, un casco destrozado, festivales sobre dunas y arrecifes barridos por las olas.
En lugar de optar por el vacío, decidimos abarrotar nuestro submarino. Incluso podría decirse que se trata del proyecto más arduo que jamás hayamos emprendido en el espacio de las exposiciones temporales desde que trabajo en él; un justo regreso de las lógicas materiales a los deseos de inmaterialidad.
Este proyecto, además, nos permite afirmar que la noción de patrimonio cultural inmaterial no se puede desvincular en absoluto de su componente material, y ello se debe a dos razones al menos. Por una parte, la llamada «inmaterialidad» de las prácticas técnicas y rituales que designa este concepto está tejida de materialidades de toda clase, que resultan aún más solidas cuando vienen acompañadas de lógicas de conservación. Por otra parte, la llamada «materialidad» está tejida de inmaterialidades de todo tipo (simbólicas, funcionales, técnicas...), pues sin ellas acabaría siendo insustancial e intrasmisible, como afirma de manera extraordinaria Arnold Van Gennep en 1914, cuyas certeras palabras nos sirvieron de guía a la hora de idear la exposición Retour d'Angola (Regreso de Angola): «Si los museos etnográficos, tal y como se conciben hoy día, perjudican a nuestra ciencia, es porque perpetúan la trasnochada ilusión de que lo importante es sobre todo el conocimiento de los objetos materiales».
La exposición Bruits (Ruidos)
Partir de la noción de «ruido» (y no de «sonido») nos ha permitido ampliar nuestro campo de visión e incluir en nuestro submarino la mayor parte de los interrogantes intrínsecos al proceso de «patrimonialización», a saber:
• ¿cómo se puede organizar el caos del mundo?;
• ¿cómo se pueden integrar las producciones de los demás, sea cual sea su origen, cuando lo que oímos nos perturba o escapa a nuestra comprensión?;
• ¿nos encontramos ante un estado de emergencia?;
• ¿qué hemos de conservar de ese flujo de información que nos rodea ahora que los medios de captación visual y sonora son los más eficaces, compactos y corrientes que jamás hayan existido?;
• ¿hasta qué punto hemos de propiciar o integrar la transferencia, el reciclaje, la reinterpretación y la transformación de las producciones antiguas?;
• ¿cómo gestionar de manera inteligente las montañas de información acumuladas en todos los Nautilus que surcan el globo, cuyos contenidos interesan sobre todo a vendedores de hardware y administradores de portales de Internet?
El cartel de la exposición propone una guía de lectura inicial. Diseñado por el escenógrafo y dibujante de cómics belga François Schuiten, evoca un cierto surrealismo museístico que forma parte integrante de la andadura del MEN desde la década de los ochenta. Así, ofrece una visión fantasmal de Neuchâtel en la que los asiduos a esta ciudad pueden distinguir claramente algunos de sus edificios. En la parte más alta de la oreja aparece la Villa de Pury, donada a la ciudad en 1902 para acoger el Musée d’ethnographie. En un espacio-tiempo paralelo, muestra una imagen poderosa de la observación y escucha del mundo, a la par rigurosa y subjetiva, que se practica en este lugar desde hace más de cien años.
A lo largo de la exposición, siete paneles elaborados a partir de la figura del Nautilus invitan al público a acercarse a los ruidos de los otros, a interrogarse sobre la evolución de los soportes y las técnicas de grabación, y a reflexionar sobre el tratamiento de datos sonoros en la era de Internet.
El recuerdo de la marejada
Al elegir la metáfora del Nautilus como hilo conductor de nuestra reflexión sobre el patrimonio sonoro, creamos un espacio que no habíamos previsto inicialmente. Este brinda al visitante la posibilidad, aparentemente extraña —al menos en un museo—, de experimentar la destrucción de objetos, en este caso conchas que crujen bajo los pies y se transforman poco a poco en arena. De esta forma, se aporta una primera lectura clave de la exhibición, ligada a la libre asociación y al discurso poético de Francis Ponge (1942), como reza el texto que descansa en una mesa vitrina: «Una concha es algo pequeño, pero la puedo sobredimensionar si la vuelvo a colocar donde la encontré, sobre la arena. Ya que entonces cogeré un puñado de arena y observaré lo poco que quede en mi mano cuando casi todo el puñado se me haya escapado entre los dedos; observaré algunos granos, después uno a uno, y en ese momento ninguno de esos granos de arena me parecerá ya pequeño, y pronto la concha formal, esa ostra, ese caracol de mar o esa «navaja», me impresionará cual enorme monumento, colosal y precioso al mismo tiempo, como el templo de Angkor, Saint-Maclou o las pirámides, cargada de un significado mucho más extraño que esos incuestionables productos humanos».
Orientado (o desorientado) por esta introducción a la vez sensorial y cerebral, el visitante puede abrirse de manera más inmediata a las asociaciones múltiples que le propone la exposición. Las conchas insinúan, en efecto, el estruendo del universo marino y el ruido emitido por los cuerpos que lo escuchan. Estos elementos en principio naturales, que por tanto se pueden aplastar sin el menor remordimiento , son también objetos de cultura: integrados en las tipologías de los antiguos gabinetes de ciencias naturales o asociados a un determinado conocimiento técnico o práctica social, estos albergan, sin lugar a dudas, una parte de inmaterialidad esencial para su comprensión. Así, tocados, pocillos de pintura o instrumentos de música no se entenderían como tales si no se acompañaran de un comentario relativo al contexto de su recopilación.
El ruido de los otros
La bodega del Nautilus se presenta tal cual, sin adornos. El dispositivo evoca un cargamento de mercancías provenientes de todos los rincones del planeta, y sobre algunas de sus cajas figuran unas iniciales, un título, un lugar y una fecha. Es poca la información que se puede ver con claridad, aunque los rótulos en cuestión sean casi tan completos como los de un museo de arte. Cuando se pisan las cajas, estas emiten extraños ruidos que cesan cuando se levanta el pie. Los fragmentos que se reproducen de manera cronológica, relacionados con la etnomusicología, el folclore, la música noise vanguardista y las músicas populares, fueron considerados, en un momento u otro, meros ruidos, cuando en realidad todos forman parte de la historia de la música.
Como herramienta de discriminación estética y cultural, el término «ruido» suele en efecto designar todo lo que desagrada al oyente o resulta ajeno a sus normas auditivas. En cambio, la percepción de la belleza, la coherencia, la proporcionalidad, el equilibrio e incluso de lo soportable, varía según la época y el espacio. Ni los ruidos del pasado coinciden con los del presente, ni los ruidos de otros lugares concuerdan con los nuestros. Ese es el mensaje de la muestra, la cual se transforma al antojo de los visitantes en un teclado gigante que pueden tocar solos o en compañía, ya que cada visita ofrece una composición original de fragmentos que se activan con mayor o menor frecuencia, y durante más o menos tiempo.
El murmullo de la teoría
En la sala de máquinas nos topamos de repente con un bosque de tubos de aireación que emiten un murmullo continuo. Cuando el visitante se acerca a uno de ellos, aparece un personaje y se reproduce un fragmento sonoro, seguido de inmediato por una explicación referente al contexto de la composición, el descubrimiento y la recopilación del fragmento en cuestión.
El visitante avispado cae en la cuenta de que se trata de un comentario detallado del contenido de las cajas sobre las que caminó en la sala anterior. Las aclaraciones de estos «crackeadores de claves», que redefinen la noción de música a partir del siglo XVIII, nos proporcionan una perspectiva de la rehabilitación del folclore realizada por los románticos, de los balbuceos de la etnomusicología y de la integración de los «ruidos» en la composición musical clásica y popular. En cuanto al visitante que no ha relacionado ambos espacios, al menos se percata de que estos distintos especialistas le están invitando a interesarse en unas formas musicales que a buen seguro hubiera considerado ruidos, o simple y llanamente, este advierte que unos seres humanos están intentando susurrarle teorías al oído.
Las sirenas de emergencia
En la sala de control del Nautilus, los monitores velan por un mundo en peligro y alertan sobre la inminente desaparición de un canto, un rito o una lengua. Y una imagen apocalíptica, vista a través del periscopio, parece darles la razón: se trata de un recorrido panorámico por el interior de un trabajo gráfico realizado por dos artistas, que han partido del fin de los tiempos como objeto de reflexión y de asociaciones plásticas (Bastian 2010).
Ante la vertiginosa transformación de las sociedades, los antropólogos siempre han hecho un llamamiento en favor de la preservación de la diversidad cultural y de su conservación mediante palabras, imágenes y grabaciones. Han dado junto a otros la señal de alarma, proponiendo una movilización urgente para salvaguardar todo lo que sea posible y han desarrollado programas que duplican los mundos amenazados. Paradójicamente, han diagnosticado así el fin prematuro de su objeto de estudio. De igual modo que, paradójicamente, han privilegiado la conservación y la salvaguarda de un mundo a punto de desaparecer frente a la documentación e interpretación de un mundo en proceso de transformación.
El eco de las reservas
En la mediateca del Nautilus se exponen colecciones audiovisuales del MEN con las que se puede experimentar el peso de lo inmaterial. Los programas de salvaguarda del patrimonio ciertamente han generado bases de datos ingentes. Dada la rápida obsolescencia de las técnicas, los datos se trasfieren y cuestionan constantemente. E incluso si proponen una alternativa a la pérdida, a menudo se limitan a facilitar el luto, a avalar la clasificación y a ofrecer el uso y disfrute de un pasado idealizado.
Dos máquinas fantásticas representan la metáfora de la esencia del trabajo museístico. Por un lado, el congelador de tradiciones (Tradicer) transforma los datos audiovisuales que pasan por él en contenidos con forma de bolas de nieve que, a continuación, se reparten entre los distintos distribuidores visuales y sonoros. El proceso parece absurdo, pero ¿no simboliza fielmente el trabajo de clasificación, depuración, esquematización y exhibición que efectúan las instituciones museísticas? Por otro lado, un alambique de colecciones nos permite plantearnos hipótesis y desarrollar teorías falsables a partir de dimensiones aparentemente materiales. Cada vez que cae una gota destilada aparece un flujo de imágenes relacionadas con los distintos estadios de reflexión en torno a los objetos presentados. Luego, las «cosechas» teóricas se embotellan, se etiquetan con un texto interpretativo y se exhiben a modo ilustrativo en las vitrinas del salón desde donde expresan el carácter a la vez frágil y perentorio de las teorías construidas a partir de la cultura material.
La información mostrada en este espacio sigue el principio del «movimiento congelado». No existen vitrinas propiamente dichas, sino nichos que se asemejan a una terminal de cintas transportadoras o de distribuidores automáticos, como si una máquina gigante fuera la que gestionara las entrañas del submarino y llevara a la superficie solo una parte de la colección que guarda en su interior. Este dispositivo evoca el carácter insondable de la voluntad de conservar y archivar todas las características significativas de una situación, tal y como abogaba Jean Gabus, director del museo entre 1945 y 1978. Dicha voluntad se representa a lo largo de las distintas secciones mediante la exhibición de un aparato particular ligado a una tecnología en permanente evolución; de los soportes que permiten a dicho aparato almacenar la información; de los fragmentos sonoros que este recopila (las bolas de nieve); de las teorías relativas a estos fragmentos (las botellas); de instrumentos de música que materializan dichos fragmentos sonoros; de películas; de fotografías y de publicidad… todo ello relacionado con el uso de este aparato.
El gluglú de las tuberías
En la playa, donde el Nautilus yace varado, unas infraestructuras improvisadas recuerdan a una serie de fenómenos contemporáneos que tienen que ver con la reconfiguración del pasado. En este espacio, los datos recopilados por los especialistas del arte y las tradiciones populares se piratean, transforman e integran en nuevos mecanismos culturales, económicos y sociales.
La música proporciona una elocuente demostración de dicho proceso: parcialmente cosificada por la ciencia y la industria, la música y sus datos convergen hoy día en Internet. Si bien benefician a algunos piratas, también nutren una creatividad apasionante que florece sobre todo en las actuaciones en vivo.
Gracias a la constatación de esta tendencia en las sociedades modernas, consistente en hacer de todo un evento cultural, incluso institucionalizarlo, hemos podido comprender mejor la reciente fascinación que suscita lo inmaterial. Y al poner de manifiesto el notable interés de los fabricantes de hardware, de los dueños de portales de Internet y de los servidores de telefonía móvil por los contenidos que se han ido almacenando desde hace un siglo en las incontables bases de datos visuales y sonoras, ha emergido una nueva definición de PCI: ¿no se trataría más bien de yacimientos de contenidos que la industria de la comunicación puede comercializar?
El estruendo del oleaje
Al final de la exposición se invita a los visitantes a cerrar el círculo que va de la sala donde caminan sobre conchas y las transforman en arena, hasta el espacio donde una cortina se cierra a sus espaldas sumergiéndolos en el universo marino y les desvela estos versos de Saint-John Perse (2009):
«... Siempre hubo este clamor, siempre hubo este grandor,
Esta cosa errante por el mundo, este alto trance por el mundo, y sobre todas las playas de este mundo, del mismo aliento proferida, la misma onda profiriendo
Una sola y larga frase sin cesura para siempre ininteligible...».
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Translation education
Master's degree - University of Seville
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Years of experience: 22. Registered at ProZ.com: Dec 2010.
Keywords: English, French, Italian, Spanish, literary, arts, international organisations, human rights, social sciences, anthropology. See more.English, French, Italian, Spanish, literary, arts, international organisations, human rights, social sciences, anthropology, architecture, politics, government, nutrition, journalism, sports. See less.